« La prise de conscience d’une rénovation énergétique en France a été difficile »
Yannick Ainouche, président de la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers de la Fnaim, évoque, dans un entretient au Monde de l’Énergie, la vaste question de la rénovation énergétique des bâtiments en France, depuis le cadre juridique jusqu’aux aides nécessaires pour tenir les objectifs fixés par l’Union européenne.
Le Monde de l’Énergie —Quels sont les objectifs en termes de rénovation énergétique fixés par la loi Climat ? Les pensez-vous réalistes ?
Yannick Ainouche —La loi Climat fixe des interdictions de location des passoires énergétiques – les logements classés G à partir de 2025 et les logements classés F à partir de 2028. L’obligation de rénovation ne concerne donc que les biens en location. Ce qui représente tout de même quelques millions de logements.
Les échéances de la loi Climat sont une sorte de compromis, entre ceux qui voulaient aller beaucoup plus vite, et ceux qui appelaient au réalisme.
A mon sens, pour réussir la rénovation, il faut encore lever des freins :
- Augmenter les aides, car le reste à charge est parfois trop important encore ;
- Accompagner mieux les ménages pour encourager à une rénovation globale, davantage vertueuse, plutôt qu’une rénovation mono-geste comme on le voit avec MaPrimeRénov’.
Enfin, il y a aussi la question des moyens. La filière du bâtiment dispose-t-elle aujourd’hui de la main d’œuvre et de la compétence nécessaires pour absorber un si grosse afflux de chantiers en si peu de temps ? A l’heure d’aujourd’hui, non.
Le Monde de l’Énergie —Comment expliquez-vous le retard pris par la France et l’Union européenne en matière de rénovation énergétique, dans l’optique de la transition énergétique ?
Yannick Ainouche —Je ne suis pas sûr que l’Union européenne ait vraiment du retard par rapport au reste du monde. Au contraire même. Et au sein de l’Union européenne, si d’autres pays parmi les 27 sont davantage avancés, la France n’a pas à rougir.
Je crois qu’effectivement la prise de conscience d’une rénovation énergétique en France a été difficile. Durant longtemps, les économies d’énergie n’étaient pas la première motivation, les propriétaires étaient davantage motivés par le gain de confort. Et puis, les aides demeuraient peut-être insuffisantes.
Le contexte a évolué avec la Covid où nous avons passé beaucoup plus de temps chez nous, avec la flambée du prix des énergies, mais aussi avec une vraie volonté politique de faire avancer la rénovation, dont la loi Climat est une expression.
Le Monde de l’Énergie —Quelle place doit avoir la rénovation énergétique dans le parcours d’un bien immobilier ?
Yannick Ainouche —Elle occupe désormais une place essentielle. Dès la mise en vente du bien, le propriétaire devra, à partir de septembre 2022, fournir un audit énergétique lorsqu’il s’agit d’une passoire énergétique. Cet audit précisera les travaux de rénovation avec des estimations de coûts pour parvenir à un bien énergétiquement vertueux. On peut donc imaginer que cette rénovation énergétique sera intégrée dès le départ à la vente, et qu’elle déterminera aussi sans doute le montant du bien.
La valeur verte devrait ainsi prendre davantage de poids dans les années à venir, avec une plus-value pour les biens performants et une moins-value pour les passoires énergétiques.
Le Monde de l’Énergie —Pensez-vous nécessaire d’adopter plus de contraintes de certification énergétique pour autoriser la vente ou la location de biens immobiliers ? Que pensez-vous des dispositifs déjà en place en la matière ?
Yannick Ainouche —Aujourd’hui, nous disposons du DPE, réformé il y a à peine un an, obligatoire pour toute vente et toute location. Ce diagnostic est entré dans les mœurs, il est désormais bien identifié du public, ce serait une erreur d’en changer.
Pour le compléter, à partir de septembre, nous disposerons donc également d’un audit énergétique sur les passoires. Ce double dispositif est déjà suffisamment contraignant, nul besoin d’ajouter encore des contraintes.
Mieux vaut sans doute travailler sur l’amélioration du DPE et de l’audit, pour les rendre plus efficaces encore. Avec la DHUP, la Chambre des diagnostiqueurs travaille actuellement sur le sujet de la formation DPE, avec déjà plusieurs propositions. Ces dispositifs ne sont pas parfaits, ils sont parfois critiqués, mais ils ne cessent de s’améliorer.
Le Monde de l’Énergie —Pourquoi avoir fédéré les professionnels de la certification énergétique ? Quels rôles l’État leur a-t-il confié dans l’optique de la loi Climat et des objectifs de lutte contre les passoires thermiques ?
Yannick Ainouche —La Chambre des diagnostiqueurs de la Fnaim est aujourd’hui la principale fédération du diagnostic immobilier. Elle a beaucoup œuvré pour permettre au diagnostiqueur d’occuper une place essentielle dans la rénovation énergétique. Nous sommes chargés d’identifier les passoires énergétiques grâce au DPE, mais nous apportons aussi des solutions grâce à l’audit, puisqu’à partir de septembre, nous pourrons également effectuer cette prestation. Demain, nous livrerons aussi sans doute du conseil aux ménages afin de les accompagner dans leur parcours de rénovation.
Peu à peu, nous confortons notre place de pivot de la rénovation énergétique. Parce que nos atouts sont reconnus : quelle autre profession intervient au quotidien dans le logement et dispose d’un maillage territorial aussi serré ? Chaque semaine, nous délivrons en France, 35 000 DPE ! Non seulement nous sommes présents partout, mais notre compétence ne se limite pas à l’énergétique : la plupart des opérateurs sont aussi formés pour l’électricité, les termites, l’amiante… Cette polyvalence peut se révéler très précieuse dans une optique de rénovation.