RE2020 : un manque d’ambition (Tribune)
Tribune de Bernard Aulagne, président de Coénove.
Ce début d’année 2020 est marqué par un point d’avancement certain de la RE2020. Via un communiqué de presse, les pouvoirs publics ont fait savoir deux décisions très attendues et ô combien décisives pour la suite : la baisse du coefficient d’énergie primaire de l’électricité et celle du contenu en CO2 du kWh électrique.
Loin de répondre à l’ambition contre le changement climatique mentionnée dans le titre, ces premiers arbitrages n’ont qu’une seule conséquence : favoriser davantage le recours à l’électricité au sein du bâtiment. Mais cela n’était-il pas, en fait, le but recherché, sans l’exprimer clairement ?
Diminuer l’impact carbone, poursuivre l’amélioration de la performance énergétique, introduire un objectif de confort en été : tels sont les 3 grands objectifs rappelés par la communication ministérielle, objectifs auxquels souscrit pleinement Coénove.
Divergence
La vraie question est celle des moyens pour y arriver et c’est là que les visions de l’administration et de Coénove divergent très sensiblement…
Les choix qui viennent d’être pris ne sont clairement au premier plan – et démontrent par a + b que l’on ne peut tordre la réalité physique, sauf à prendre des artifices pour arriver in fine au résultat escompté. En voilà encore un exemple flagrant.
L’annonce d’un facteur de conversion à 2.3 n’est pas une surprise tant le bruit courait déjà depuis plusieurs semaines. C’est même une valeur de 2,1 qui avait été lancée et avait suscité de nombreuses réactions d’acteurs du bâtiment… qui ont donc été entendues puisque le valeur retenue est 2,3. De qui se moque-t-on ?
C’est oublier que le facteur de conversion n’est pas le fruit d’une discussion de marchand de tapis, c’est une réalité physique. C’est oublier également que la Commission européenne a retenu récemment une méthode de calcul qui fait référence (utilisée dans la directive Efficacité Energétique) et qui, appliquée au mix électrique français 2020, conduit à une valeur de 2,8 ! … ce qui ne va pas dans la direction du but recherché : favoriser l’électricité.
Concertation ?
Une décision dont l’ambition questionne par ailleurs au regard de la justification annoncée : la durée de vie des bâtiments sur 50 ans. Prendre cette hypothèse et une valeur du PEF à 2,3 sous-tend au final un faible développement dans les années à venir des énergies renouvelables électriques dont le PEF est de 1.
Ou autrement dit, sans le dire clairement, le maintien d’un parc nucléaire plus conséquent que ce qui est officiellement annoncé à date, en lien avec, « l’hypothèse de travail du développement de 6 EPR demandés à EDF ». Vous avez dit concertation ?
Deuxième tour de passe-passe : le contenu carbone de l’électricité qui passe miraculeusement de 210 g dans l’expérimentation E+C- à … 79g, au motif d’un changement de méthode que contestent tous les experts indépendants.
Cette méthode conduit à minimiser le contenu carbone de l’électricité utilisée pour le chauffage alors même que la réponse aux besoins en hiver passe par des moyens de production carbonée mais également des importations au contenu carbone très supérieur à l’arbitrage retenu.
Objectif neutralité carbone
Au final, ce ne sont tant des arbitrages que des décisions arbitraires et nous ne pouvons que constater une nouvelle fois la vision monolithique proposée par l’administration concernant l’avenir énergétique de notre pays. Mais le plus regrettable reste avant tout la négation de tous les efforts engagés par la filière pour décarboner le gaz.
Un développement des gaz renouvelables dans les territoires, pourtant souhaité par tous, pouvoirs publics au premier rang.
Fin 2019, nous avons rendu public les résultats d’une vaste étude confiée au cabinet Artelys démontrant que la neutralité carbone dans le secteur résidentiel peut pleinement être atteinte en préservant un mix énergétique pluriel et diversifié, garant de la sécurité d’approvisionnement et valorisant les forces de chaque énergie au plus près des usages.
J’attire l’attention des pouvoirs publics pour que, suite aux travaux menés par le groupe applicateur sur la base des arbitrages rendus, le calage des indicateurs fasse progresser toutes les filières et amène au maintien d’un équilibre entre les différentes solutions performantes.
COMMENTAIRES
Je n’arrive pas très bien à cerner le message de cette tribune: L’auteur semble se plaindre d’un encouragement à l’utilisation de l’électricité pour le chauffage résidentiel. Mais je n’arrive pas à percevoir pourquoi c’est un mal.
Électrifier semble pourtant clairement être en faveur d’une décarbonation puisqu’une majorité de logements se chauffent au fioul ou au gaz aujourd’hui. Même en supposant la mise en route de centrales à gaz ou d’importations d’électricité carbonée pour les pointes, nous sommes loin des émissions continues de multiples chaudières fioul et gaz d’aujourd’hui.
Bref, quelle est l’alternative que défend l’auteur?