Réduire la facture énergétique et décarboner l’industrie manufacturière
Une tribune signée Lee Hermitage, directeur de la planification stratégique chez Honeywell
Les derniers constats sur le climat partagés par la COP 26 ou encore le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont, plus que jamais, mis en lumière la nécessité pour l’industrie et le secteur manufacturier de se décarboner. Parallèlement, le spectre de la spirale des prix de l’énergie – en débat en France actuellement – pourrait entraîner une augmentation de 30 % des factures au cours des 12 prochains mois, si le coût du gaz et de l’électricité évolue comme prévu, obligeant les fabricants à augmenter le prix de leurs produits et à diminuer leurs bénéfices. Cette hausse significative des prix pourrait ainsi à terme menacer sérieusement les emplois.
Pris entre le marteau et l’enclume – la législation d’un côté, la hausse des prix de l’énergie de l’autre – le secteur manufacturier, sous tension, a désespérément besoin d’une solution lui permettant de rester en conformité tout en réduisant considérablement ses factures d’énergie. Régulièrement sous les projecteurs, le système de pompe à chaleur s’appuie sur une technologie de récupération d’énergie thermique, qui serait autrement perdue ou gaspillée. Par exemple, une pompe à chaleur peut absorber la chaleur excédentaire produite par un processus de fabrication et l’utiliser pour chauffer des locaux ou de l’eau. Les avantages immédiats sont évidents.
Le besoin de chaleur
Cependant, les pompes à chaleur industrielles modernes vont plus loin : elles peuvent porter la température d’un flux de chaleur résiduelle à un niveau encore plus élevé, suffisamment élevé pour être utilisé dans toute une série de processus de fabrication. Le marché potentiel est énorme – le besoin de chaleur est responsable de 70 % de la demande énergétique industrielle, dont la majeure partie est actuellement générée par le gaz.
Et il n’y a pas que l’énergie résiduelle des bâtiments et des processus qui peut être recyclée ; l’énergie renouvelable de l’air, de l’eau ou du sol peut être utilisée pour le chauffage et le refroidissement. Il n’est donc pas étonnant que le rapport phare de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), intitulé « Net Zero by 2050 », affirme que les pompes à chaleur seront une technologie essentielle pour remplacer le chauffage aux combustibles fossiles et atteindre des émissions nettes de CO2 nulles.
Il est important de noter que les pompes à chaleur peuvent être intégrées à un système de stockage de l’énergie. Ainsi, si l’énergie récupérée n’a pas d’utilité immédiate, elle peut être conservée jusqu’au prochain besoin. De plus, une pompe à chaleur haute performance peut atteindre des rendements de 500 % ou plus, fournissant 5 kW d’énergie thermique pour chaque kW d’électricité, tandis qu’une nouvelle chaudière à gaz affiche un rendement de 90 %. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Récupérer les coûts
Cependant, toutes les pompes à chaleur ne sont pas égales. Les conceptions actuelles se limitent pour la plupart à fournir une chaleur d’environ 70°C à 80°C, mais de nombreuses méthodes industrielles nécessitent souvent des températures comprises entre 100°C et 200°C, comme la transformation des aliments, la fabrication de médicaments, la production de papier et de carton, l’ingénierie, les cimenteries et l’industrie plastique, entre autres.
Or, certains compresseurs de vapeur peuvent aujourd’hui fournir une chaleur de haute qualité, jusqu’à 150°C, ce qui représente une augmentation substantielle des performances. Parmi les avantages qu’ils apportent, on peut citer une réduction de 80 % de la consommation d’énergie, une diminution de 25 % des factures de carburant, un amortissement en trois ans et une chaleur sans CO2 lorsqu’elle est alimentée par de l’électricité renouvelable. En outre, contrairement à d’autres configurations de pompes à chaleur, ces conceptions fonctionnent à des vitesses considérablement réduites et ne nécessitent pas d’huile, ce qui permet de réduire les coûts de fabrication, d’exploitation et de maintenance. Il existe toutefois un composant sans lequel ces pompes à chaleur n’atteindraient pas leurs impressionnants résultats : le réfrigérant.
Garder son calme sous la pression
Certains réfrigérants sont aujourd’hui ininflammables, répondant ainsi aux préoccupations environnementales actuelles. Leurs caractéristiques chimiques permettent aux pompes à chaleur de fonctionner à des températures et à des pressions très avantageuses, tandis que leur potentiel de réchauffement planétaire (PRP) ultra-faible en fait des solutions économiques et écologiquement préférables à long terme, permettant aux entreprises clientes de maximiser leurs économies d’énergie et de réduire leurs émissions de carbone.
Les solutions basées sur la technologie des hydrofluoro-oléfines et adaptées aux pompes à chaleur, offrent également une plus grande capacité et une efficacité similaire à celle du R-123 dans les refroidisseurs centrifuges à basse pression utilisés pour refroidir les grands bâtiments et les infrastructures, ce qui est clé sur un marché croissant de la chaleur à faible émission de carbone.
La récupération de la chaleur résiduelle est appelée à devenir un élément important de l’évolution de l’Europe vers une économie à faible émission de carbone, offrant un moyen rentable et efficace de capter l’énergie résiduelle et de la réutiliser dans des processus industriels très exigeants, tout en réduisant radicalement leurs émissions de carbone. Avec ces évolutions, l’Europe devrait plus que jamais se sentir confiante dans son cheminement vers un avenir décarboné.
COMMENTAIRES
De jolies perspectives annoncées, des mises en pratique rapide seraient bienvenu !!!
« De plus, une pompe à chaleur haute performance peut atteindre des rendements de 500 % ou plus, fournissant 5 kW d’énergie thermique pour chaque kW d’électricité, tandis qu’une nouvelle chaudière à gaz affiche un rendement de 90 %. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. »
Comparaison stupide entre électricité –> chaleur et énergie latente du gaz –> chaleur, ce qui n’a aucun sens.
J’utilise (rarement) chez moi une vieille chaudière à charbon transformée fuel (imaginez le rendement), et j’ai voulu installer à la place une pompe à chaleur.
A Toulon, jamais très froid, à priori parfait.
J’ai laissé tomber, non rentable.
Il y a d’ailleurs un point étonnant.
Installer une pompe à chaleur nécessite l’intervention d’un bon spécialiste, et est donc impossible par un bricoleur chez lui.
Le problème provient du fait que le système est en au moins deux parties, externe et interne, réunie par des tuyaux de gaz genre fréon.
Or, dans son principe, le système n’est guère différent d’un réfrigérateur, pour lequel vous n’appelez pas un spécialiste pour le brancher dans la cuisine.
Il existe bien des PAC monobloc, dans lesquels le circuit « fréon » est scellé hermétiquement en usine, comme votre frigo.
Il suffirait de brancher l’électricité plus les tuyaux de jonction avec le chauffage central.
Mais je n’ai jamais trouvé un tel système chez les marchands de bricolage.
Pourquoi ???
Peut-être que comme pour les voitures neuves, les concessionnaires (dans les faits des artisans chauffagistes souvent d’ailleurs en lien avec une seule marque) sont les seuls à pouvoir vendre du neuf !? Certains marchés sont protégés…
De plus, les PAC simples à déployer sont surement celles sur lesquelles les artisans font le plus de marges… Si elles étaient vendues en vente grand public, cela affecterait les « CA et résultats » des artisans… (Hypothèse perso…)
Si le marché des PAC grandit une ouverture au Grand Public n’est pas impossible…
Etes-vous sur d’avoir bien regardé chez tous les revendeurs ???
Essayez Amzair (Made in France) https://www.amzair.eu/
Très bon article sur un sujet effectivement de haute importance (y compris au plan compétitivité) !
Actuellement (comme la récente étude en lien plus bas de compilation sur le sujet le rappelle) il y a principalement une cinquantaine d’approches (cycles) de pompes à chaleur très haute température (HTTHP) jusqu’au 200°C, y compris concrètement au plan commercial ou les 150°C sont toutefois plus courants. Parmi les pompes à chaleur à très haute température, on a celles à cycles sous-critiques qui nécessitent des réfrigérants ayant une température critique élevée (>120 °C) et les cycles transcritiques qui compriment intentionnellement le réfrigérant au-delà de son point critique et libèrent la chaleur dans un refroidisseur de gaz.
La plupart des cycles de pompe à chaleur à haute température fonctionnent à des pressions inférieures au point critique du réfrigérant. Les pompes à chaleur transcritiques haute température – en raison du glissement de température – ont un potentiel d’efficacité significatif, en particulier pour les processus avec de grands changements de température du côté du puits donc des usages
Continuer comme l’indique cette étude avec des cycles sous-critiques classiques ne débloquera pas nécessairement les gains de performance requis pour rendre ces cycles économiques pour les hautes températures (>100 °C). De nouveaux cycles transcritiques montrent un potentiel pour améliorer le COP à des niveaux compétitifs avec les carburants alternatifs jusqu’à des températures d’environ 200 °C et permettre de fonctionner avec des pressions réalisables
Ce n’est pas anodin car l’industrie (comme d’autres secteur dont l’agriculture, le séchage etc) est face à des choix urgents qui engage leur avenir (pompe à chaleur, hydrogène, gazéification, solaire Th etc)
Il était effectivement important de souligner dans cet article l’importance de la ou des source(s) de chaleur initiale perdue ou de faible valeur puisqu’il est essentiel d’avoir les Cop les plus élevés.
Et sur ce plan, et donc en amont d’un système qui pour être le plus pertinent possible nécessite une approche « globale » (et pas juste sous l’angle des seules pompes à chaleur), les réseaux de chaleur et le solaire thermique ont un rôle essentiel à jouer. Les meilleurs capteurs solaires thermiques plans actuels atteignent les 200°C et sous peu les 250°C et le solaire CSP à l’échelle de bâtiments et activités énergivores qui est disponible dans bien plus d’endroits en France qu’on ne le pense au premier abord atteint des Cop de 80 !
C’est important à rappeler car le COP d’une pompe à chaleur dépasse normalement 1 et peut atteindre 5 ou 6 pour les cycles fermés indirects et >10 pour la compression directe dans un cycle ouvert. Mais bien plus en couplage avec le solaire Th !
En revanche, les chaudières industrielles atteignent des rendements thermiques typiques de 80 à 90 % ce qui équivaut effectivement à un COP pouvant atteindre 0,90.
De plus le stockage inter-saisonnier existe depuis longtemps.
Et les prix qui sont bas et durables, on les connaît bien notamment en Europe du Nord où les réseaux de chaleur – et de plus en plus couplés au solaire thermique et stockage inter-saisonnier – sont souvent majoritaires
En plus çà permet de faire revenir des usines dans les villes sans les problèmes de pollution mais avec les avantages de l’utilisation de la chaleur ou du froid perdus et moins de déplacements.
Donc c’est l’une des sources de chaleur à bas prix durable qui améliorent le Cop des pompes à chaleur très haute température notamment pour l’industrie.
De plus le solaire plan et CSP tout comme la pyrolyse, gazéification dont hydrothermale de nos eaux usées encore très peu exploitées et même – pour résoudre nos excès de cendres et la perte de cendres valorisable de nos déchets – en complément les torches à plasma (qui progressent elle aussi sur leur consommation d’énergie) sont un atout important (récupération de métaux dont aluminium etc). Voir le suédois Boson Energy pour les déchets (gazéification pour production d’H2 notamment industriel + torche plasma) et bien d’autres donc le cycle des déchets est vraiment complet puisque quasiment tout est exploité et réutilisé alors que pour le moment on gaspille outre l’énergie notamment des minéraux utiles, et autres phosphore, potassium etc qui vont manquer et on a encore des décharges.
Ca amène aussi à évoquer la production d’hydrogène également pour l’industrie, à rendement élevé via la gazéification et quasiment sans dépendre du réseau électrique (important en France avec notre thermosensibilité ex nucléaire record) et avec production de biochar donc hydrogène négatif en carbone ce qui est un gros plus (en France voir Haffner Energy, Charwood etc)
Pour mémoire la chaleur industrielle ne représente que 19 % de la demande totale d’énergie mais elle est à l’origine de 36,8 % (12,3 Gt CO2-e) des émissions totales liées à l’énergie
Sur cette part 27 % de la demande de chaleur concerne la haute température (+ de 100°C)
En pompe à chaleur haute température en France et parmi d’autre Enertime qui fait des ORC s’implique avec sa filiale Energie Circulaire dans le projet européen Push2heat débuté le 1er octobre 2022 sur une durée de 4 ans. Il produit déjà de la température à 150°C
Les cycles hybrides ammoniac-eau permettent des températures supérieures à 150 °C.
Les cycles qui permettant d’atteindre des températures de 200 °C avec une large gamme de réfrigérants sont des cycles transcritiques standard, transcritique avec un IHX, cycle à compression parallèle etc où l’on obtient des Cop autour des 3,5
Des cycles pour le chauffage permettent de produire de la vapeur surchauffée à 180 °C à partir d’une eau d’alimentation à 80 °C. Et on a encore pas mal de vieux bâtiments qui nécessitent de telles températures réseau alors que dans le domaine il est préférable de travailler à basse température.
C’est également le cas des cycles hybrides comprenant à la fois des processus de sorption et de compression de vapeur
Pour mémoire minimiser le travail de compression tout en atteignant la température cible du puits de chaleur et le débit de chaleur se traduit par une augmentation des Cop.
En complément de l’article plus haut et pour plus de détails, cette étude récente parmi d’autres a compilé 49 structures différentes de cycle de pompe à chaleur à haute température ou transcritique, ce qui a conduit à la classification de 10 composants de cycle améliorant les performances. Se concentrant spécifiquement sur les cycles de pompes à chaleur transcritiques haute température, elle établit six défis techniques face à leur développement et propose des solutions pour chaque, y compris une nouvelle innovation de cycle en cascade transcritique-transcritique. L’un des principaux résultats est la proposition d’un nouveau cycle qui nécessite une enquête détaillée en tant que candidat pour un cycle de pompe à chaleur transcritique à haute température
Elle est plutôt pas mal faîte et aborde les réfrigérants, bien que le sujet soit vaste, donc si çà peut servir à celles et ceux qui ne connaissent pas trop ce sujet tant mieux !
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1364032122006827#bib128
.