Renouvelables : entre pilotabilité et intermittence

Éclairage signé Jean-Pierre Riou, chroniqueur indépendant sur l’énergie, membre du bureau énergie du Collectif Science Technologies Actions.

Certaines énergies renouvelables présentent l’inconvénient majeur de n’être pas pilotables et de produire de façon intermittente et aléatoire une électricité dont la décorrélation avec les besoins de la consommation les prive de la moindre valeur marchande en tant que telle.

Pour autant, les vifs « débats d’experts » sur le sujet demandent une clarification de la nature du caractère aléatoire et du concept même de cette intermittence. 

Facteur de charge et facteur de disponibilité

Tous les moyens de production (ou de stockage) sont susceptibles d’être momentanément indisponibles, tant de façon programmée, pour maintenance, que de manière fortuite pour incident.

Cette « disponibilité opérationnelle » ( peut être totale ou partielle et son facteur de disponibilité en rend compte.

Un moyen de production (ou de stockage) peut également être techniquement disponible mais être dépourvu, partiellement ou totalement, de la source d’énergie nécessaire à son fonctionnement.

Cette source d’énergie peut être sous forme de stock ou bien sous forme de flux. La variabilité de ce flux détermine alors le « facteur de charge » d’un moyen de production dont la disponibilité opérationnelle permettrait, en cas de besoin, un fonctionnement  à la puissance nominale.

RTE (Réseau de Transport d’Electricité) publie quotidiennement les indisponibilités, même infimes, de tous les moyens de production (ou de stockage) dont la source d’énergie se stocke.

Ce qui ne signifie pas, pour autant que le facteur de charge de la puissance disponible est égale à 1, cette puissance étant pilotée selon plusieurs critères, comme les besoins de la demande ou le prix du marché.

Le gestionnaire de production pouvant aller jusqu’à demander à un moyen de production de se déconnecter du réseau en cas de forte production dans un contexte de faible consommation, comme le montre ci-dessous la publication de cette demande faite à EDF pour le réacteur n°1 de la centrale de Saint Alban.

Tous les moyens de production disposent de cette possibilité de réduire leur facteur de charge et se déconnecter du réseau. Les contrats éoliens récents prévoient notamment une rémunération forfaitaire d’un facteur de charge de 35% aux exploitants éoliens qui cessent leur production quand les prix sont négatifs.

Par contre une éolienne ne peut atteindre sa puissance nominale quand il n’y a pas de vent.

Au niveau national, les différents régimes de vent interdisent 100% à l’ensemble des éoliennes françaises, de même que leur production totale ne tombe jamais à 0 MW.

Pour 2021, l’écart entre le maximum et le minimum de la production des 18 549 MW éoliens (au 1er janvier 2022) est illustré ci-dessous.

Soit entre 78,28% et 0,24% de la puissance installée.

Or, s’il est possible de réduire le facteur de charge maximum, il n’est pas possible d’augmenter la production quand le vent fait défaut.

(Source : chiffres clés RTE 2021)

C’est pourquoi l’éolien est souvent qualifié d’«intermittent » bien que sa production ne soit jamais réellement interrompue, pour l’opposer aux moyens « pilotables », bien que ceux-ci puissent être arrêtés pour incident ou maintenance.

« Aléatoire » est également employé, bien que ce terme signifie également non prévisible, alors qu’on prévoit le temps. Certes, plus ou moins bien, mais on le prévoit. Ce qui ne veut pas dire qu’on peut le modifier lors de froids anticycloniques où la demande est la plus forte, et le vent absent.

Les professionnels de la filière semblent préférer « variable », qui est également exact.

Et tente de masquer le problème, car tous les moyens de production sont variable.

Mais seules les énergies renouvelables dites « intermittentes » sont condamnées à faire défaut lors des pics de consommation si le flux de leur source d’énergie fait défaut.

Pour en finir avec le foisonnement

Afin de minimiser les effets de l’amplitude de l’écart entre puissance maximale et minimale des énergies « intermittentes » ou du moins « interactives » selon cette autre distinction, la notion de « foisonnement » viendrait en contrebalancer les effets.

Non seulement un foisonnement des vents, puisque nous venons d’en voir le peu d’effets, mais un foisonnement des EnR entre elles, le soleil venant au secours du vent ou du débit des cours d’eau.

Cette loi du hasard des grands nombres n’empêchera pas le soleil d’être absent de chaque pic de consommation car ceux-ci sont hivernaux vers 19 heures, après le coucher du soleil. Et l’intérêt de ce « foisonnement » reste vrai pour tous les moyens de production et revient à s’en remettre au hasard.

Ce qui n’est pas compatible avec des investissements visant à renforcer la sécurité.

Pour ne pas dire « aléatoire », disons « selon les caprices du vent ».

commentaires

COMMENTAIRES

  • cela fait plaisir de voir un article qui traite de l’ineptie du foisonnement . Le Troll RONCHAIN va pas être content

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  • Et si l’on croit au foisonnement, il faut accepter que des lignes THT supplémentaires soient mises en place car les lignes moyenne tension ne suffisent pas et occasionnent plus de pertes par effet Joule. Ce que conteste Rochain. http://www.leseoliennes.be/economieolien/transportcourant.htm
    En Allemagne, de grands couloirs de lignes THT devront relier le nord au sud pour évacuer les grosses puissances des parcs éoliens en mer Baltique.

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    • Merci à M. Cochelin pour avoir transmis ce lien . Une étude exhaustive , qui certes exige de prendre le temps de sa lecture mais qui efface toutes les lignes de propagande du lobby éolien et de ses compllces .fanatisés .

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  • La pilotabilité du nucléaire va être difficile à assumer.

    https://www.usinenouvelle.com/article/edf-revoit-a-la-baisse-son-estimation-de-production-nucleaire-pour-2022.N1773407

    « EDF revoit à la baisse son estimation de production nucléaire pour 2022.
    En raison des défauts constatés sur plusieurs réacteurs, EDF a annoncé jeudi 13 janvier une diminution de son estimation de production nucléaire pour l’année 2022. Alors que 10 des 56 réacteurs sont indisponibles, les craintes d’approvisionnement se font sentir. »

    « En raison « du prolongement de la durée d’arrêt de 5 réacteurs du parc nucléaire français », le groupe a annoncé dans un communiqué revoir à la baisse sa prévision de production d’électricité nucléaire pour 2022 « à 300 – 330 TWh, contre 330 – 360 TWh ». Une estimation qui pourrait encore diminuer si ce problème de corrosion était détecté sur d’autres réacteurs, ce qui n’est pas à exclure. »

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    • Oui, Marguerite, je suis bien d’accord.
      Par suite des retards de construction de nouveaux réacteurs, et de l’arrêt stupide du projet Astrid, la marge de sécurité en production d’électricité est trop faible.
      Heureusement, on semble parti pour relancer des centrales nouvelles.
      Et il en faudrait une quarantaine, et le plus tôt possible en surgénérateurs.

      https://1drv.ms/b/s!Aoz2RZetULwc5UqA7R84bXWwEn87?e=WvhPli

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  • Cela pourrait aggraver le contenu carbone de notre électricité par une plus grande sollicitation de notre parc thermique ou celui de nos voisins. Mais l’Allemagne, par la fermeture volontaire de 4 GW de son parc nucléaire, commence et va connaître de gros problèmes avec une carbonation plus importante de son électricité (très supérieure à la notre) déjà entamée dès le début de l’année (et auparavant l’année passée par la faible production de son parc éolien).

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  • Malheureusement, l’énergie nucléaire est aussi une énergie intermittente et ses intermittences sont beaucoup plus problématiques que celles des énergies solaires photovoltaïques et éoliennes, car elles mettent en jeu des puissances beaucoup plus importantes.
    Vous pouvez lire mon article à ce sujet dans la Gazette Nucléaire :
    https://gazettenucleaire.org/2021/295/l-energie-nucleaire-est-une-energie-intermittente.html
    A ces arrêts brutaux de réacteurs nucléaires, s’ajoute bien sûr les arrêts de longue durée pour des problèmes de sûreté comme actuellement les réacteurs de Civaux, Chooz et Penly 1.

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    • Je propose donc de parler en « puissance garantie ».
      Même avec des aléas exceptionnels tels que ceux qu’on connait actuellement, et qui imposent d’arrêter certains réacteurs pour contrôle de soudures suspectées de corrosion, les 56 réacteurs du parc EDF assurent une disponibilité de 80 %, c’est à dire que 80 % de leur puissance maximale est toujours utilisable.
      Avec des énergies du vent ou du soleil, ainsi que le montre l’article, on constate des périodes où la puissance totale tombe parfois sous 1 % et de manière durable sous 5 %.
      Si avec 80 % « seulement » de technologie nucléaire, les consommateurs peuvent commencer à s’inquiéter, il est facile de comprendre que les technologies solaire et éolienne qui ne garantissent quasiment RIEN sont impropres à satisfaire nos besoin, et qu’il serait délirant de s’efforcer de réaliser un mix avec 100 % d’entre elles : bonjour les soirées à la chandelle…. devant un feu de bois l’hiver. Mais surtout, bonjour la décroissance, le chômage et la baisse drastique du pouvoir d’achat.

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