Rénovation énergétique : l’importance du facteur humain
Pour certains experts, les citoyens doivent davantage être impliqués dans la régulation thermique des bâtiments, et notamment sensibilisés aux bonnes pratiques destinées à éviter les déperditions de chaleur. Dans le domaine de la rénovation, informer et sensibiliser les artisans s’avère un facteur tout autant déterminant pour garantir des performances thermiques optimales.
Alors que la réglementation environnementale 2020 entrera en vigueur le 1er janvier 2021 dans le neuf, les acteurs du bâtiment et les politiques l’affirment : il est urgent de diminuer l’impact carbone, et donc les émissions de gaz à effet de serre (GES) des bâtiments, tout en poursuivant l’amélioration de leur performance énergétique.
« Assurément, les règles de construction qui seront déployées ces toutes prochaines années constitueront une étape importante vers la neutralité carbone et la sobriété énergétique à l’horizon 2050 », expliquait il y a quelques semaines à La Tribune Philippe Pelletier, patron du Plan bâtiment durable.
Principal poste d’émission de GES en France — avec les transports et l’industrie —, le tertiaire doit revoir sa copie, pas franchement flatteuse ces dernières années. En ce qui concerne notamment la rénovation énergétique des bâtiments : « les résultats d’une étude parue fin 2019 ont montré que la baisse de consommation d’énergie liée à la rénovation énergétique des logements est nettement inférieure aux prédictions. Selon les auteurs, les habitants rénovent leur habitat dans une optique de confort thermique plus que dans un objectif de baisse de la consommation d’énergie », pointe du doigt Antoine Martin, doctorant en ergonomie (Université de Lorraine), dans les colonnes de The Conversation.
De même, certaines expérimentations portant cette fois sur des bâtiments énergétiquement performants ont démontré que la diminution de la consommation énergétique pourtant prévue « n’était pas observée ».
Il apparaîtrait, selon des sociologues de l’Université Toulouse-II qui se sont penchés sur la question, que « les habitants n’utilisent pas les bâtiments et leurs équipements comme leurs concepteurs l’avaient prévu, ce qui ne leur permet pas de diminuer leur consommation d’énergie autant qu’espéré », révèle Antoine Martin.
Selon le doctorant, tous ces résultats sont à rapprocher de ceux issus d’une étude parue en 2017, selon laquelle la dépense d’énergie des bâtiments peut être trois fois plus importante qu’attendu. Les facteurs ? « Variés » : de la chaleur environnante à l’isolation du bâtiment, en passant par le caractère économe des équipements.
Un arrêté sur les conditions de pose des isolants
En matière d’isolation, dans le secteur de la rénovation notamment, les performances isolantes des laines de verre ne sont pas à la hauteur des prévisions des fabricants. C’est ce qui ressort de l’« Isolgate », qui établit que les performances thermiques des laines de verre dépendent en grande partie de leurs conditions de pose, ces dernières étant altérées sous l’effet d’un manque d’étanchéité à l’air.
Pour l’ex-vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) Jean-Yves Le Déaut, les performances des isolants de ce type ont été volontairement masquées.
« Force est de constater que la performance énergétique est largement conditionnée par la qualité de la pose du matériau. Or, en France, aucun contrôle de la performance énergétique n’est effectué a posteriori. Il s’agit bien d’un “Isolgate”, car je compare ce dossier à celui que nous avions expertisé en son temps à l’Office sur les moteurs de voiture diesel où manifestement, comme ici, les performances étaient calculées de manière théorique pour masquer la réalité », commente le scientifique pour Les Echos. « L’Etat verse chaque année des milliards d’euros au titre de l’isolation thermique des bâtiments. Si ces aides sont accordées à des produits dont les performances sont en réalité en deçà de celles affichées dans les conditions de pose actuelles, c’est très grave », poursuit-il.
Quelles sont les pistes à suivre, dès lors, pour améliorer les performances de la rénovation énergétique ? L’ancien vice-président de l’OPECST plaide pour l’adoption en urgence d’un arrêté ministériel venant imposer les conditions de pose des laines minérales.
De quoi obliger les fabricants à sensibiliser les artisans, afin qu’ils soient en mesure d’installer ces isolants de manière optimale, ce qui n’est pas le cas actuellement. « Il est encore temps de mener ce travail notamment dans le cadre de la RE 2020 », estime-t-il. Sans oublier la sensibilisation des populations à l’enjeu énergétique, en général, et à la régulation thermique des bâtiments, en particulier.
C’est ainsi ce qu’estime Louis Bousquet, directeur d’agence chez Eden Promotion, un spécialiste de l’éco-conception : « Il est aussi important d’éduquer les habitants à adopter des réflexes au quotidien », rappelait-il en marge du salon de l’immobilier d’entreprise, en novembre dernier à Paris. Lorsqu’il fait trop chaud ? « Fermer les volets le jour et ouvrir les fenêtres la nuit pour évacuer la chaleur durant l’été », donne-t-il en exemple. Car « l’occupant doit aussi être acteur de son confort ».