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Repenser les villes dans la société post carbone

Eric Vidalenc, responsable du Pôle transition énergétique à la Direction Régionale Hauts de France de l’Agence de l’environnement et la maîtrise de l’énergie (Ademe), se penche depuis plusieurs années sur la relation entre les villes, l’énergie et le climat. En 2013, avec Jacques Theys, il a publié l’ouvrage « Repenser les villes dans la société post carbone » en proposant des scénarios contrastés de transition avec des villes moteurs dans la transition post-carbone. Interview.

Qu’entend-on par société post-carbone ?

La question énergétique et climatique est au cœur de la notion de société post-carbone. Quand nous avons débuté ce travail de prospective, l’idée était de voir comment les villes et les territoires en particulier pouvaient être des leviers dans cette transition post-carbone. D’abord comment être capable de s’affranchir de la dépendance aux énergies fossiles parce ce que dans des pays industrialisés comme la plupart des pays d’Europe, et c’est le cas particulièrement en France, nous sommes très dépendants des imports en pétrole, en gaz, en charbon. Et c’est encore plus le cas des villes qui importent évidemment toutes ces énergies. Après la réduction de cette vulnérabilité et dépendance à court terme, à long terme il s’agit d’aller vers une société qui respecte le fameux « facteur 4 » à 2050, à savoir réduire des trois quarts nos émissions de GES par rapport à 1990. Enfin la question de l’adaptation au changement climatique rentre dans la définition d’une société post-carbone car, même si nous faisons tous collectivement des efforts significatifs, 2 degrés de plus auront inévitablement un impact fort sur le climat, et donc les territoires.

Se dirige-t-on réellement vers une société post-carbone ? Est-ce une utopie ?

Globalement, on reste dans un monde dominé par les énergies fossiles à 80% même si les dynamiques autour des renouvelables sont fortes. Le point de départ de notre réflexion initiée en 2008 était une non prise en compte des leviers liés aux territoires dans la transition énergie-climat. De fait, aujourd’hui, nous pouvons constater que les lignes ont vraiment bougé. Que ce soit à travers les lois NOTRe et TECV – Transition énergétique et pour la croissance verte qui renforcent le processus de décentralisation énergétique, ou l’accord de Paris de 2015, tout cela illustre le fait que les territoires et les villes sont des acteurs cruciaux dans la transition, ce sur quoi nous mettions l’accent il y a quelques années. Cette question est désormais au centre du débat. Aujourd’hui, plus grand monde conteste le fait que nous ne pouvons faire la transition énergétique sans une implication forte des territoires.

Quelles responsabilités et quel rôle pour les villes dans la société post-carbone ?

Il faut entendre la ville au sens de territoire et bassin de vie. Quand on travaille sur les énergies renouvelables ou sur les économies d’énergie, il faut avoir une connaissance fine du terrain pour appréhender ces potentiels, par définition territoriaux. Par exemple, si on ne connaît pas précisément le parc de logements, on ne connaît pas sa performance thermique, ses pertes et ce sur quoi on peut agir en termes d’efficacité selon les caractéristiques architecturales, techniques, etc… Sur les ENR, si on ne territorialise pas la question en étudiant les terrains sur lesquels on va mettre des centrales solaires au sol, le potentiel éolien ou géothermique…, les potentiels restent très abstraits et théoriques… Nous sommes de moins en moins dans des systèmes fonctionnant avec des énergies de stock importées massivement que nous ferions circuler à travers des réseaux très hiérarchisés. Nous serons de plus en plus sur des gisements et potentiels locaux, que ce soit du côté de la production ou de la consommation. C’est pour cela que le rôle des territoires est absolument essentiel dans la transition énergétique car ils sont au plus près de ces besoins et de ces gisements. Dans la mobilisation, ils sont en première ligne et les plus à même de définir ce qui peut être fait, par qui et comment.

Dans le scénario « Créativité carbone » de votre rapport, vous estimez que les territoires peuvent influencer la politique énergétique…

Les territoires urbains, et plus particulièrement les métropoles, ont en effet la capacité aujourd’hui d’influencer la politique énergétique, au sens large. Quand la ville de Paris annonce vouloir interdire les voitures diesel en centre ville, c’est un signal clair envoyé aux fabricants automobiles. Si ces derniers acceptent que leurs véhicules ne rentrent pasdans les plus grandes villes, là où se concentrent le pouvoir d’achat et les activités économiques, c’est une partie du marché dont ils se privent. C’est un renversement de perspective et de rapport de force. La logique centralisatrice où tout se décide d’en haut est contrebalancée par les territoires qui proposent ou imposent leurs propres choix et font avancer rapidement les lignes. Un autre exemple avec les réseaux énergétiques intelligents : avant de déployer un système sur un réseau national, toutes les expérimentations se font au niveau local que ce soit sur Issy-les-Moulineaux, Lyon, Nice ou encore Lille

Vous abordez également le scénario d’une ville d’un nouveau genre : la Biopolis. Pouvez-vous nous la présenter ?

Quand on pense ville, on pense généralement minéral. Ici, la Biopolis est en quelque sorte une ville hybride, une ville végétale. Ce scénario insiste sur le rôle des bioénergies dans l’écosystème urbain de demain, et du coup sur le rapport entre la ville et son proche territoire, son arrière-pays. Une grande partie des potentiels locaux de production d’énergies renouvelables vont en effet se retrouver dans le périurbain, ces territoires où l’on considère souvent qu’il y a les plus fortes contraintes (habitats dispersés, dépendance à la voiture, mauvaise isolation). C’est ici que pourront s’installer, par exemple, des panneaux photovoltaïques sur les toits, que la biomasse peut être mobilisée, que la méthanisation peut trouver place avec les déchets fermentescibles, les boues de STEP, les effluents agricoles… Dans les constructions et rénovations, la Biopolis privilégie également les biomatériaux (bois construction, paille, liège, chanvre) : c’est la ville du cycle court.

Biopolis est une des propositions. Il n’y a pas une seule manière d’aller vers des territoires qui soient adaptés à un monde post carbone mais selon nous plusieurs qui mobilisent des leviers très différents selon le degré d’autonomie et la volonté de s’appuyer sur des forces et leviers différents (marches, institutions, collectifs et citoyens…).

Mais on n’attendra pas l’ensemble des objectifs de la société post-carbone sans mobiliser l’ensemble de ces leviers.

 

 

 

 

 

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