Smart grids : la CRE insiste sur l’importance d’une évaluation économique rigoureuse

Tous les deux ans depuis 2020, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) publie un bilan sur l’avancée des projets de « smart grids », ces réseaux intelligents censés moderniser la gestion de l’électricité et du gaz. Dans son dernier rapport, publié il y a deux mois, le régulateur de l’énergie salue certaines avancées techniques, mais insiste encore sur un point resté trop négligé selon elle : l’absence d’une évaluation économique robuste des projets expérimentaux.

Un panorama technique encourageant

Ce nouveau rapport s’est penché sur trente démonstrateurs, dont dix-huit encore en cours, portés principalement par des gestionnaires de réseaux comme Enedis, GRDF, RTE ou des opérateurs régionaux. L’objectif de ces démonstrations est clair : tester sur le terrain des solutions technologiques pour renforcer la performance, la souplesse ou encore la résilience des infrastructures énergétiques françaises.

« Les démonstrateurs portés par les gestionnaires de réseaux sont largement financés par les consommateurs [à travers le paiement de tarifs d’acheminement comme le Turpe, NDLR] ou de financements publics, (…) il est nécessaire d’en recueillir les enseignements et de communiquer sur la viabilité des technologies », rappelle la CRE dans ce rapport, insistant sur le fait que les enseignements tirés de ces expérimentations pourraient avoir un impact concret sur les décisions de régulation, notamment pour la prochaine version du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le Turpe 7.

D’après l’analyse de la CRE, plusieurs projets démontrent une pertinence technique avérée. C’est le cas par exemple du projet aVEnir d’Enedis, clôturé en 2023, qui a permis de tester l’intégration du « vehicle-to-grid » (V2G) – une technologie de recharge bidirectionnelle des véhicules électriques – aux infrastructures actuelles. De même, les projets Maestro (piloté par Gérédis dans les Deux-Sèvres) et Gac (développé par SRD Énergies), également finalisés, ont exploré avec succès des solutions de flexibilité, comme l’activation de ballons d’eau chaude en fonction des besoins du réseau.

Certaines expérimentations, moins visibles pour les usagers, s’avèrent aussi prometteuses. Le projet Flores de GRDF, par exemple, mise sur la compression ou la liquéfaction temporaire du gaz pour désengorger certaines zones du réseau en période de pic.

Des progrès économiques encore trop limités

Mais au-delà de la réussite technique de plusieurs démonstrateurs, la CRE alerte une nouvelle fois sur le flou persistant entourant la dimension économique de ces projets. Certains démonstrateurs, notamment ceux axés sur la numérisation avancée ou la conversion énergétique, n’ont pas encore convaincu sur leur viabilité financière.

C’est notamment le cas du développement de « jumeaux numériques » pour les réseaux de gaz, censés permettre une gestion plus fine via la simulation en temps réel. Autre exemple cité : le projet Jupiter1000, porté par GRTgaz, qui teste une technologie dite de power-to-gas, transformant l’électricité excédentaire en hydrogène ou méthane de synthèse pour le réinjecter dans le réseau gazier. Malgré leur caractère innovant, ces projets peinent à démontrer leur rentabilité.

Au total, les trente démonstrateurs passés au crible ont mobilisé un budget de 215 millions d’euros. Une somme globalement inférieure à celle engagée pour les projets précédemment évalués, mais qui reste conséquente. Le projet le plus coûteux – Interopera, conduit côté français par RTE dans le cadre d’un programme européen – a mobilisé à lui seul 63 millions d’euros.

La CRE regrette donc que la question du rapport coût-bénéfice reste trop souvent éludée. « Il est indispensable que des travaux, financés à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros par les tarifs de réseaux, se soldent systématiquement par une conclusion argumentée justifiant la généralisation ou non des solutions testées », insiste le régulateur. Une exigence de transparence et de rigueur jugée essentielle, à l’heure où les choix d’investissements publics dans l’énergie doivent être mieux ciblés et justifiés.

Une attente forte pour les prochaines étapes

Le message de la CRE est clair : si les démonstrateurs smart grids montrent souvent un réel potentiel, il est impératif de passer d’une logique d’expérimentation à une logique de maturité économique. La transition énergétique ne pourra pleinement s’appuyer sur ces innovations que si leur déploiement à grande échelle est fondé sur des preuves solides de leur efficacité… mais aussi de leur rentabilité.

En attendant, le régulateur promet de rester vigilant. Il entend continuer à jouer son rôle de garde-fou, tout en incitant les opérateurs à mieux documenter les résultats – techniques et économiques – de leurs expérimentations. La prochaine évaluation, prévue en 2027, pourrait bien marquer un tournant si ces recommandations sont enfin pleinement suivies d’effets.

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COMMENTAIRES

  • Quel que soit le rendement de ce genre d’opération Power to (solution de staocka quelle qu’elle soit H2, methane, amoniac….) il sera toujours plus acceptable que l’effacement pur et simple de la production excédentaire d’électricité renouvelable utilisée aujourd’hui par RTE pour rétablir l’équilibre du réseau face à des baisse conséquentes de plusieurs GW en quelques minutes de nos voisins importateurs depuis la France.
    Si le rendement devait être une clause d’élimination d’une solution de production électrique on n’aurait jamais adopté le nucléaire dont les rendement est inférieur à 40% tout en permettant un facteur de charge d e 80%.
    Réfléchissez également à votre plus important investissement personnel, votre automobile, après votre habitat, pour autant que vous en soyez propriétaire, qui est à l’arret 95% du temps, et dont le rendement en fonctionnement ne dépasse pas 30% si c’est une thermique.

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