Une start-up au service de la maîtrise énergétique des centres aquatiques
Aujourd’hui, les collectivités s’intéressent de plus en plus à la réduction de la consommation énergétique de leurs bâtiments.
Pour les accompagner, la startup Ecotropy basée à Nantes a développé un outil de collecte et de maîtrise des données énergétiques des piscines et des centres aquatiques. Un enjeu de taille, pour ces équipements souvent très énergivores.
Rencontre avec Nicolas Früh, chargé de développement.
Pourquoi faire le choix d’orienter votre solution spécifiquement pour les piscines publiques ?
Nicolas Früh : Ecotropy est une entreprise issue du monde de la recherche avec une équipe composée de docteurs en énergétique et numérique. L’enjeu est d’assurer une continuité dans la maîtrise de la performance des bâtiments, de la conception jusqu’à l’exploitation.
Pour ce faire, on injecte des données réelles aux modèles numériques, qui comportent alors de vraies données mesurées et de vrais scénarios. C’est là l’innovation majeure.
Les piscines sont un marché de niche, il y a environ 5 000 piscines en France. Pourtant, elles représentent 33% de la consommation du parc public ! La piscine est hyper-consommatrice en énergie et complexe à gérer.
Il y a de gros volumes d’eau et d’air qui sont à renouveler en permanence. S’ajoutent souvent à cela une mauvaise isolation et beaucoup de surfaces vitrées qui engendrent une forte déperdition d’énergie.
On est sur des systèmes quasi-industriels où beaucoup de données doivent être mobilisées pour la gestion. Et nous constatons que les collectivités manquent souvent de moyens pour collecter et gérer ces données. C’est à ce niveau là que l’on intervient.
Sur quels marchés êtes-vous présents ?
Nous sommes aujourd’hui à 90% sur le marché de la piscine. De plus, il y a un enjeu politique fort pour les maires : les piscines sont essentielles dans la vie des citoyens et structurantes dans l’aménagement du territoire. Une piscine qui fonctionne mal peut être un véritable drame politique.
La plupart des piscines qui se construisent aujourd’hui se font sur des marchés globaux de performance, un nouveau type de marché public. Ce sont des contrats qui incluent l’exploitation du bâtiment sur un certain nombre d’années, avec des engagements pris sur des niveaux de consommations d’énergie et d’eau. Nous intervenons pour assurer la continuité entre les modèles et l’exploitation du bâtiment dans le cadre de ces nouveaux contrats.
Ecotropy a été créée en 2016, avec une première phase de recherche et développement. Depuis 2 ans, nous avons fait le choix stratégique de nous orienter vers les centres aquatiques et le travail avec les collectivités. C’est aujourd’hui notre cœur de métier.
Concrètement, comment fonctionne votre service ?
La première étape est de faire un bilan des données qui existent. Nous récupérons les données de fréquentation, souvent saisies manuellement jusqu’alors, ainsi que les données liées à l’énergie, à travers la gestion technique des bâtiments et des sondes que l’on installe.
Nous proposons aussi la dématérialisation du carnet de suivi sanitaire réglementaire fourni par l’Agence Régionale de la Santé pour les données liées à la qualité de l’eau.
Une fois centralisées, les données sont accessibles au client via un portail web. Cela présente un avantage important car beaucoup de directions et d’équipe techniques agissent en parallèle sur le même équipement. Il y a 20 à 30 utilisateurs de notre outil sur une seule piscine.
Les données sont ensuite analysées et comparées à nos simulations thermiques dynamiques. En cas d’écart par rapport à la référence, on peut identifier tout de suite les postes de consommation responsables de cet écart.
À partir de nos recommandations, un certain nombre d’actions peuvent se faire en toute autonomie. Tous les 6 mois, nous faisons un point pour identifier les axes d’optimisation, en prenant en compte les contraintes multiples.
Nous mettons à la disposition de nos clients des indicateurs permettant de mieux gérer le confort tels que la température des bassins, l’hygrométrie, ou encore la température de l’air des différentes zones. Sans réduire le confort, il est possible d’économiser de l’énergie avec une bonne gestion.
Pouvez-vous nous donner des exemples de projets sur lesquels vous avez travaillé ?
Nous travaillons beaucoup avec des communautés d’agglomération ou des métropoles qui gèrent un parc de piscines. Un de nos clients est l’agglomération de Grand Poitiers, qui gère un parc de 11 piscines et pour qui il était important de développer les bons outils.
Lorsque nous avons commencé, la gestion des piscines se faisait avec des tableurs disparates, avec un trop grand nombre de ressources. La collectivité avait peu de visibilité pour évaluer leur fonctionnement.
Le bénéfice immédiat de notre solution a été d’améliorer durablement la gestion technique de leur parc, grâce à un audit d’acquisition des données. Ils ont maintenant des retours d’expérience sur les choix mis en oeuvre.
Depuis septembre 2018, deux piscines sont entrées en phase pilote avec la mise en place de notre outil de suivi en temps réel. Notre objectif est désormais de nous déployer sur l’ensemble de leur parc d’ici 1 à 2 ans.
Et pour les petites communes ?
Notre premier client a été la ville d’Orvault. Nous travaillons avec eux depuis 1 an et demi. La piscine actuelle va être détruite d’ici 4 à 5 ans. En attendant, elle reste le principal poste de dépense. La ville avait donc le souhait d’optimiser le pilotage sans investir trop.
Il s’agit d’une “piscine caneton”, un modèle de piscine issu d’un programme national de construction des années 60. Ce sont des piscines aux faibles performances énergétiques, car, bien sûr, ce n’était pas le sujet à l’époque.
Le premier enjeu a été de résoudre les problèmes récurrents d’inconfort, sans augmenter les consommation d’énergie. C’est quelque chose que l’on a résolu assez rapidement, en améliorant le suivi de la qualité de l’eau ou encore en mettant en place une nouvelle manière de travailler avec l’Agence régionale de santé. Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de problème d’eau.
Lorsqu’il y a un problème technique il y a un partage instantané entre les équipes de maîtres nageurs et les équipes techniques, ce qui permet d’anticiper les problèmes et limiter les fermetures accidentelles.
En parallèle, nous travaillons sur les ambitions énergétiques de la future piscine d’Orvault, en tant que co-traitant du programmiste Cap Urbain.
Nous réalisons l’ensemble du cahier des charges sur les indicateurs, les cibles, et la façon dont les cibles vont être suivies en fonction de nos 3 variables clés (fréquentation réelle, météo, amplitudes d’ouverture). De plus nous indiquons comment la collectivité et le futur exploitant pourront suivre ce programme.
Cela constitue véritablement une première, car très souvent, les collectivités se retrouvent avec des objectifs optimistes, sans savoir comment les atteindre !
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