Le stockage, une nécessité pour notre réseau électrique
Le stockage, technique dont l’efficacité est connue et reconnue des grands et petits acteurs du domaine, apparait comme un ingrédient principal pour la bonne conduite du réseau.
La diversification des moyens de stockages garantit ainsi une meilleure stabilité. Mais ce phénomène est à double tranchant, et les défauts algorithmiques d’une gestion encore très centralisée sont en mesure de mettre en péril le système. La gestion du stockage doit être corrélée avec la gestion de la demande du Smart Grid. L’optimisation de la chaîne énergétique se fait de manière locale, mais a besoin de s’incorporer dans une stratégie d’ensemble.
La transition énergétique est avant tout une transition numérique. L’amas de données générées est utilisé pour mieux s’adapter aux facteurs externes (météo, comportement, transport, etc.). Que ce soit pour le dimensionnement, l’optimisation des processus ou sur l’apprentissage machine, la donnée est un outil essentiel de tout système complexe comme le smart grid.
L’agence internationale de l’énergie avance que les réseaux dans le monde auront besoin de 310GW de capacité de stockage supplémentaire. Cette croissance, combinée à la croissance des EnR et des véhicules électriques poussent les réseaux électriques à se doter de nombreux systèmes de gestion, de contrôle, de prise et de traitements des données.
Optimisation de la chaîne énergétique
Les pertes énergétiques dans le réseau électrique se situent à tout niveau : transformation vers l’énergie électrique, transport dans le réseau, consommation de l’énergie, transformation P2G, stockage et déstockage de l’énergie. Les pertes énergétiques varient beaucoup d’une énergie à l’autre et d’un pays à l’autre.
Les recherches sur les performances énergétiques touchent tous les domaines : les télécoms, le transport, le bâtiment, etc. Et les techniques d’optimisation mathématiques procurent des gains énergétiques toujours plus grands. L’optimisation des performances énergétiques englobe bien plus que les performances d’entités, cela comprend aussi les performances d’un système voir de systèmes de systèmes.
Des projets d’envergures d’optimisation de performance énergétique à l’aide de système de stockage ont lieu partout en Europe, Chine et Amérique du Nord. Depuis début 2016, le projet AES Kilroot Power Station a pour objectif en Ireland du Nord d’améliorer la fiabilité du réseau grâce à 100MW de stockage. L’opérateur local estime les économies à plus de £8.5M l’année. Du côté de la Californie, ce sont les batteries Li-ion qui sont à l’honneur avec un projet de stockage de 32MW.
De côté français, le réseau fait son lifting via des projets de grande envergure. GreenLys est un projet urbain de Tenerrdis à Lyon et Grenoble visant à optimiser l’intégration d’énergie renouvelable, de véhicules électriques et à intégrer le comportement des utilisateurs dans la gestion du réseau. L’expérimentation a lieu sur 400 résidentiels et 4 sites tertiaires. De grands projets smart grid, comme SMILE ou Flexgrid vont poser les bases de la transition énergétique au niveau national.
La performance énergétique des bâtiments connait aussi sa cure de jeunesse grâce au BIM. Cette stratégie de construction, avec l’appui de l’informatique et de sa puissance de calcul, génère des bâtiments et des écoquartiers de moins en moins énergivores. Le BIM 5D et 6D intègrent dans sa modélisation les performances énergétiques du bâtiment, le cout de construction ainsi que l’intégration d’énergie renouvelable. Le BIM 7D rajoute les aspects liés à la durée de vie du bâtiment, réduisant considérablement les couts liés à la maintenance. La possibilité de simuler aussi finement un bâtiment facilite le dimensionnement de moyens de stockage locaux.
L’optimisation continue lors de la mise en pratique par l’intégration de borne de recharge intelligente pour les batteries fixes ou de véhicules électriques. Le Vehicle To Home (V2H) désigne l’intégration d’un moyen temporaire de stockage énergétique ainsi que l’optimisation de l’usage de la batterie en fonction des connaissances d’utilisation des usagers. Les grands constructeurs automobiles proposent leur borne de recharge intelligente comme la LEAF2Home de Nissan ou encore les bornesTesla/solarcity.
Traitements de la donnée
L’optimisation de la chaîne énergétique s’appuie sur de nombreux algorithmes et protocoles, et ces derniers ne peuvent pas être eux-mêmes efficaces sans un traitement de leurs données. Que ce soit de la donnée temps réel, ou des données de traitement par apprentissage, le stockage de l’énergie a besoin de connaitre de nombreuses variables pour mener à bien son effacement ou sa charge dans les meilleurs conditions. Les capteurs permettent d’obtenir ces données rapidement (contrairement à la validation manuelle) afin d’adapter l’offre et la demande en temps réel.
Le projet allemand SmartRegion Pellworm de E.ON et Schleswig-Holstein Netz a pour but de prévoir la production de parcs d’énergie renouvelable, et à l’aide de batterie (côté production et côté clients) d’affiner la production pour mieux correspondre aux attentes des consommateurs. Ce projet fait donc appel à des compteurs intelligents côté clients permettant de mieux connaitre leurs attentes et d’apprendre de leurs habitudes énergétiques. Ce type de projet garantit l’anonymat du consommateur. En effet, la donnée personnelle est bien protégée en Europe, et son exploitation est régulée (attention ceci ne s’applique par toujours aux données naviguant par internet).
En France, de nombreux projets visent à collecter des données côté utilisateurs pour mieux en comprendre leur comportement. La gestion de l’énergie est passée d’une gestion de la production à une gestion de la demande. L’ajustement de l’offre et la demande doit être précis et l’intégration des énergies renouvelables et des systèmes de stockage impose un contrôle systémique du réseau. Des projets pilotes comme Montdidier apportent depuis 2004 les fondements architecturaux et de bases de données pour une gestion à plus grande échelle. Plus récemment, des projets européens comme Interflex multiplient les démonstrateurs pour toujours plus de données exploitables.
Le projet SEAS, développé entre autres par Télécom SudParis, qui s’est fini en ce début d’année 2017, se propose de développer un modèle de données pour les applications smart home et smart grid et de développer une plateforme d’échanges. Les données sont essentielles dans le bon déroulement de la transition énergétique, la mise en place de normalisation en ce domaine est donc primordiale afin que les constructeurs se coordonnent pour les technologies futures.
Le traitement des données n’est pas utile qu’à des fins industriels, le consommateur trouve aussi avantages. Les compteurs Linky d’Enedis, en plus d’apporter une connaissance de nos besoins d’utilisateurs, nous permet aussi de souscrire à des contrats mieux adaptés à nos besoins et de participer plus facilement à des stratégies d’effacement via un agrégateur.
Valorisation des services
Actuellement, la tarification est principalement en mélange à parts égales de cout de l’électricité, de transport d’électricité et de taxes. Cette tarification, mise en place pour un réseau monolithique, devient obsolète avec la montée en puissance des consomm’acteurs et des ressources décentralisées.
Les tarifications changent, les agrégateurs usent de l’effacement et l’autoconsommation prend de l’importance aux yeux des politiques. Pourtant, il est difficile de parler en détail de la valorisation des services, tant ceux-ci sont complexes ou souvent non dévoilés au public. De nombreux travaux de recherche analysent le déploiement et les impacts des batteries pour en définir un contexte économique. De même, le cabinet McKinsey propose une analyse économique des différents services rendus par les batteries.
L’arrivée du V2H et du V2G permet à l’utilisateur de participer à des programmes d’effacement à l’aide de la batterie du véhicule. Le programme de recharge serait optimisé pour profiter du meilleur prix pour remplir la batterie. C’est ainsi que les projets intégrants la charge/décharge intelligente de VEs fleurissent dans le monde comme le projet GridMotion.
V2G par OpenIdeo
Le projet Pegase et plus anciennement Millener sur l’ile de la Réunion se penche sur ce problème de stockage d’énergie dans un contexte de gestion de la demande et d’autoconsommation. Les services rendus par le stockage, c’est-à-dire l’effacement, la sécurisation du réseau et la valorisation des énergies renouvelables étaient valorisés directement ou indirectement dans le microgrid.
Les batteries rendent de nombreux services à toutes échelles. Que ce soit chez les particuliers, les centrales d’EnR, sur le réseau de distribution, le stockage est une aide précieuse au bon fonctionnement du réseau distribué et au lissage de la consommation. Ces services rendus par les batteries doivent naturellement être rentables, d’où l’importance de valoriser ces actions.
La transition énergétique, une transition numérique
La transition énergétique est dépendante de la transition numérique du réseau. Les processus de contrôle physique et chimique doivent être épaulés par des processus numériques afin d’optimiser l’efficacité énergétique, le contrôle des EnR et des batteries, et pour transition d’une gestion de la production vers une gestion de la demande.
Notre réseau se transforme, et des projets de smart house, de smart city et de smart grid posent les fondements du futur réseau. La transition ne se fera pas en une décennie, mais prendra le temps de s’ajuster aux nouvelles normes et lois ainsi qu’aux nouvelles technologies.