Stocker géologiquement pour protéger l’Homme et l’environnement
L’Agence nationale des déchets radioactifs (Andra) développe depuis 1998 à Bure, dans la Meuse, un laboratoire unique de stockage géologique des déchets radioactifs produits en France. Présentation technique du projet avec Gérald Ouzounian, Directeur international de l’Andra.
Qu’est-ce que le stockage géologique des déchets radioactifs ?
Le stockage des déchets radioactifs est une nécessité. Nécessité pour protéger l’Homme. Nécessité également pour protéger son environnement. Aujourd’hui, les déchets radioactifs à haute activité ne sont pas stockés mais simplement entreposés à Marcoule dans le Gard et à La Hague dans la Manche. L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) est l’établissement public chargé de la gestion à long terme de l’ensemble des déchets radioactifs produits en France. Placée sous la tutelle des ministères chargés de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement, l’Agence exploite des centres de stockage adaptés aux déchets les plus faiblement radioactifs. Elle dirige des programmes de recherche scientifique pour étudier la possibilité de stocker en profondeur les déchets qui présentent un niveau élevé de radioactivité ou une durée de vie très longue.
Quels sont les déchets les plus dangereux ?
Ce sont les déchets qui sont conditionnés à partir du traitement des combustibles nucléaires. Ces combustibles sont traités pour l’extraction du plutonium et de l’uranium. Les résidus sont conditionnés pour être stockés sur des durées pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’années.
Le stockage est-il techniquement facilement réalisable ?
Sur le plan scientifique et technique, le stockage géologique est fondé sur des processus naturels physiques maîtrisés et connus. Nous sommes en mesure de détecter des formations géologiques stables depuis des millions d’années qui permettent de bien protéger les déchets, de les confiner et de retenir leur radioactivité.
Il faut donc des couches géologiques particulières pour que le stockage soit envisageable ?
Il faut des formations géologiques adaptées ou adaptables. En France, nous avons la chance d’avoir une grande variété de formations géologiques, dont des formations géologiques argileuses. Or l’argile est parfaitement adaptée pour le confinement et la protection contre la migration des radioéléments. Certains pays n’ont en revanche pas d’argile. Je pense à la Finlande ou à la Suède qui présentent un milieu quasi essentiellement granitique. Et qui dit granite dit roche dure, fracturée et laissant passer l’eau. Or s’il y a de l’eau, alors la radioactivité peut être susceptible de bouger. C’est pour cette raison que nos collègues finlandais placent les combustibles dans des containeurs en cuivre, dont on connaît la très longue durée de vie. Autour de ces containeurs, ils placent une couche d’argile pour assurer un niveau de confinement adapté. La profondeur et la roche assurent essentiellement une protection physique pour les déchets.
Où en sont les pays membres de l’OCDE en matière de stockage géologique ?
Trois pays sont largement en avance : la Finlande, la Suède et la France. Les Finlandais, qui ont créé une installation, d’abord sous forme de laboratoire d’étude, viennent d’obtenir l’autorisation d’évoluer vers un stockage géologique. Ils stockent par ailleurs déjà, tout comme la Suède, des déchets en souterrain à très faible profondeur. Ces déchets font partie de ceux que nous appelons « déchets d’exploitation des centrales » comme les gants, les filtres, ou encore les surbottes que vous enfilez quand vous visitez une installation nucléaire. Ce sont des déchets à faible activité qui ne nécessitant pas le même niveau de protection que les combustibles usés ou les résidus issus de leur retraitement.
En France, des installations en surface existent pour le stockage des déchets d’exploitation, permettant la sécurité pendant la durée de vie des radionucléides qu’ils contiennent. Leur durée de vie de surveillance est de 300 ans. Pour les déchets à haute activité qui doivent aller en stockage géologique, nous avons en France un laboratoire souterrain dont la construction a débuté fin 1999 et dont l’exploitation à plein régime a plus de dix ans, où l’on mène des expérimentations et une caractérisation très détaillée de la roche, où l’on teste la réaction de la roche aux différentes contraintes que nous allons imposer. Le fait d’ouvrir, par exemple, une galerie crée une décharge mécanique de la roche. On regarde comment les radionucléides, au cas où ils seraient relâchés d’ici 1 000, 10 000 ou 100 000 ans, seraient retenus. Nous regardons également les réactions de la roche sous les effets de la température. Enfin, nous regardons comment on creuse une galerie mais aussi, bien sûr, comment nous pouvons refermer de manière sûre les ouvrages. C’est tout cela qui se passe dans le laboratoire qu’on appelle Cijéo sur le village de Bure dans la Meuse Haute Marne.
Y-a-t-il une réelle coopération internationale sur la question du stockage géologique ?
Clairement oui. Les scientifiques, experts et ingénieurs spécialisés sur la question échangent en permanence sur le stockage géologique. Les instances internationales (Commission Européenne, Agence pour l’Energie Nucléaire, Agence Internationale de l’Energie Atomique) et les différents comités qu’elles animent constituent les lieux privilégiés et institutionnalisés d’information, de partage de connaissances et de réflexions communes. La forte implication de l’Andra dans les groupes de travail et événements qu’elles organisent assure la promotion de ses réalisations. Sans oublier que tous les quatre ans, une conférence internationale réunit l’ensemble des techniciens et décideurs du domaine du stockage géologique. La dernière conférence, qui réunissait les Canadiens, les Finlandais, les Suédois, les Belges, les Britanniques, les Allemands, les Américains, les Japonais et les Français s’est déroulée du 6 au 9 décembre 2016 au siège de l’OCDE à Paris. Je note qu’il existe une réelle dynamique dans le monde sur la question du stockage géologique. En France, nous en sommes à la phase de préparation industrielle.
Site de l’Andra : www.andra.fr
Twitter : @Andra_France