Taxer le carbone, c’est « mettre un prix sur une externalité néfaste pour les conditions de vie des humains »
Laurent Ayoun, spécialiste de la décarbonation chez Carbo, analyse, dans une entretien au Monde de l’Energie, les enjeux énergétique du dernier rapport de l’ONU sur l’urgence climatique et les émissions carbone, présenté juste avant la COP27.
Le Monde de l’Énergie —Quelles sont les grandes lignes de ce rapport de l’ONU ?
Laurent Ayoun —Depuis la COP26, les progrès ont été très limités en ce qui concerne la réduction de l’immense déficit d’émissions pour 2030. Pour être en mesure de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C, les émissions annuelles mondiales de GES doivent être réduites de 45% en 8 ans seulement par rapport aux projections d’émissions établies dans le cadre des politiques actuellement en vigueur.
Le manque d’obligation à toutes les échelles nationales de mesure des émissions de CO2 est une première explication au retard collectif. Par exemple, les États-Unis viennent seulement d’acter l’obligation de publier des émissions directes et indirectes (scope 1 & 2) pour les entreprises cotées en bourse, alors que c’est déjà le cas depuis plusieurs années en France. L’Hexagone va même encore plus loin avec l’obligation d’intégrer dès 2023 le scope 3 (postes significatifs) en plus d’une hausse prévue de l’amende imposée. L’objectif est ainsi d’avoir une meilleure carte de la répartition de ces émissions pour donner des clés à la fois aux pouvoirs politiques et aux citoyen·nes.
Le Monde de l’Énergie —Quels sont les enjeux de la « tarification carbone » que propose l’ONU ?
Laurent Ayoun —Les profits excessifs dus à des systèmes hypers productifs ne prennent pas en compte les limites physiques réelles. Le concept de la taxe carbone n’est pas nouveau : mettre un prix sur une externalité néfaste pour les conditions de vie des humains. Or aujourd’hui, elle n’est toujours pas prise en compte.
Excellent vecteur de rassemblement politique et absolument nécessaire, cette taxe devrait idéalement être élargie à plus de pays et couvrir plus d’émissions de GES. L’objectif à moyen terme serait en effet de permettre à ceux qui agissent d’être récompensés et au contraire, à ceux qui n’agissent pas, de payer davantage. Le but étant de faire passer le message qu’émettre des GES va devenir, progressivement, très couteux.
Le Monde de l’Énergie —Quelles mesures les gouvernements mondiaux devraient-ils prendre, dans le secteur de l’énergie, pour faire face à cette urgence ?
Laurent Ayoun —Les axes sont multiples mais les gouvernements mondiaux doivent en priorité permettre à chacun de leurs citoyens et de leurs entreprises de réduire leur consommation ; stopper les aides aux énergies fossiles ; et diversifier les moyens de production d’énergie vers du bas carbone (le débat, particulièrement français, sur l’arrêt du nucléaire ne devrait pas intervenir lorsque l’on parle d’urgence climatique). En ce sens, de nombreuses pistes concrètes peuvent être imaginées : accélérer les échanges administratifs sur les rapports environnementaux et les livraisons de permis sur les installations éoliennes et solaires ; accélérer la mise en place de batteries ou de barrages de stockage de ces énergies vertes ; accélérer le déploiement de solutions de transport électriques pour remplacer le parc actuel au plus vite (transports en commun en ville, voitures individuelles & trains inter-villes/inter-pays).
Le Monde de l’Énergie —De quels leviers disposent les citoyens pour réduire l’empreinte carbone de l’humanité ? Comment promouvoir les vraies bonnes pratiques climatiques en matière d’énergie ?
Laurent Ayoun —Les citoyens sont en effet la clé du système. Le premier pas dans la réduction carbone est d’abord que chacun puisse avoir une bonne estimation de son empreinte ! Logement, transport, alimentation, achats, l’enjeu est de connaître les plus gros postes d’émissions pour agir rapidement via des gestes simples. Ensuite, il faut bien comprendre que chaque achat est une sorte de vote en faveur de la continuité de l’activité d’une entreprise.
L’important sera toutefois de prévoir les dépenses les plus coûteuses en temps, argent et énergie : l’isolation de son logement, le remplacement d’une chaudière, le changement de mode de transport ou de véhicule, l’achat de nourriture plus locale et/ou de saison… Un levier tout simple mais efficace, surtout dans la période actuelle de crise de l’énergie, est par exemple d’installer un petit boitier d’effacement permettant de couper son chauffage pendant quelques minutes lors de pics de production d’électricité, bien souvent réalisé en faisant tourner les centrales thermiques (brûlant du pétrole ou du gaz)
COMMENTAIRES
Belle interview tant le sujet est vaste !!!
Et avec une bonne piqure de Rappel pour certains : « » et diversifier les moyens de production d’énergie vers du bas carbone (le débat, particulièrement français, sur l’arrêt du nucléaire ne devrait pas intervenir lorsque l’on parle d’urgence climatique). « »