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Transition énergétique : la France doit amorcer le virage des biocarburants aériens

Une tribune signée Bernard Chaud, Directeur de la Stratégie Industrielle de Global Bioenergies

Lors de la clôture des assises du transport aérien en janvier dernier, Elisabeth Borne, ministre des Transports, a annoncé une feuille de route sur les biocarburants et un objectif de 2% incorporé au kérosène d’ici 2025.

Le sujet est actuellement présent dans le projet de Loi sur les mobilités (LOM) et il est aussi sur la table dans d’autres pays en Europe, en Asie et dans les Amériques.

Par ailleurs, le récent rapport de l’« Alliance Nationale de Coordination de la Recherche pour l’Energie » (ANCRE) indique que les biocarburants représentent, à échéance 2040, la principale solution alternative au kérosène.

Le kérosène est la dénomination courante du carburant majeur du secteur aéronautique. Ce carburant doit avoir une qualité bien précise telle que définie par les normes internationales de l’« American Society for Testing and Materials » (ASTM).

Il correspond à une fraction du pétrole, celle qui distille majoritairement entre 160°C et 220 °C. A titre de comparaison, les biocarburants routiers actuellement utilisés (éthanol pour les véhicules essence ou Diester pour les véhicules diesel) ne satisfont pas aux normes « aviation », d’où la nécessité de développer des technologies innovantes pour les biocarburants aéronautiques.

Bien sûr, on parle de biocarburants « durables ». Après plusieurs années de discussions intenses, le Parlement européen a réglé cette question dans le cadre de sa directive du 11 décembre 2018 qui fixe à 14% l’objectif d’énergie renouvelable dans les transports pour 2030.

Pour simplifier, on peut dire qu’il définit trois catégories de biocarburants.

La première est celle dont l’utilisation est encouragée sans limite parce que les matières premières sont, soit des résidus industriels, soit des végétaux non-alimentaires.

La seconde est celle dont les bénéfices environnementaux sont reconnus mais qu’on préfère, par prudence, limiter en volume parce que les matières premières sont des cultures alimentaires ou fourragères à faible risque de changement indirect d’affectation des sols.

La dernière est celle qu’on vise à réduire progressivement en vue d’une élimination totale à horizon 2030 parce que les matières premières utilisées présentent un fort risque de changement indirect d’affectation des sols, c’est-à-dire risque de déforestation par exemple. Dans la dernière catégorie à éliminer, on retrouve essentiellement des biocarburants issus d’huile de Palme.

Soutenir l’émergence de la filière du bio-kérosène

Sur le plan économique, on peut légitimement s’attendre à ce que les carburants alternatifs, complexes à développer, soient plus coûteux que les carburants d’origine fossile issus d’un héritage millénaire.

Les réserves de pétrole se sont constituées à l’époque du Carbonifère, période qui a duré environ 60 millions d’années. Si on considère qu’entre 1950 et 2050 l’humanité a consommé environ la moitié des réserves exploitables, cela voudrait dire que nous brûlons, chaque jour, mille ans d’héritage environ.

Jusqu’à présent la taxation de l’énergie a toujours été le vecteur principal du développement des énergies alternatives. A partir des années 1980, le gazole et le GPL ont bénéficié d’un avantage fiscal important par rapport à l’essence.

Aujourd’hui ce sont les véhicules électriques qui bénéficient d’une énergie faiblement taxée en comparaison de la Taxe Intérieure de Consommation acquittée par l’essence et le gazole (TICPE anciennement TIPP) qui représente près de la moitié du prix à la pompe et une source de recette de l’ordre de 20 milliards d’euros par an pour le budget de l’Etat.

Pour ce qui est du kérosène, la convention internationale de Chicago de 1944 sur l’aviation civile internationale, ratifiée par la France, stipule que les vols internationaux sont exonérés de toutes taxes sur les carburants. Enfin, plusieurs voix s’élèvent en Europe pour poser la question d’une éventuelle taxation du kérosène sur les vols intérieurs.

Les sénateurs ont introduit dans la LOM des éléments visant à faire préciser par le gouvernement les modalités pratiques d’un mécanisme de soutien à la demande, pour assurer l’émergence d’un marché pérenne et pour assurer la confiance nécessaire à l’ensemble des acteurs économiques.

La France, un terrain favorable

La France est bien placée sur ce créneau, avec des ressources de biomasse disponibles selon deux filières en phase avec les principes de l’économie circulaire :

  • Une filière basée sur la fermentation des sucres industriels avec une technologie innovante et un potentiel de déploiement élevée, et
  • une filière basée sur la conversion des lipides avec une technologie plus mature mais un potentiel de déploiement plus limité.

Des usines de production dans des zones rurales permettraient d’approvisionner directement plusieurs aéroports proches, de créer des centaines d’emplois, d’assurer des débouchés supplémentaires pour les résidus des industries agricoles et forestières ou de la biomasse ligno-cellulosique et, ainsi, de revitaliser une partie de nos territoires.

 

commentaires

COMMENTAIRES

  • Dès lors :

    – que le rendement de la photosynthèse est de moins de 6% dans le meilleur des cas (donc largement dépassée par bien d’autres technologies avec une bien moindre utilisation de terres/espaces etc sans autres impacts négatifs sur les sols, besoins en eau, intrants etc)
    – qu’il faut y ajouter les pertes de rendements d’exploitations/transformations etc
    – que l’hydrogène est plus léger que l’air et se stocke de mieux en mieux
    – que les motorisations électriques d’avions associées sont bien plus efficientes que celles actuelles

    est-il raisonnable de poursuivre dans des voies (les « agrocarburants ») qui sont loin d’être les plus efficientes au plan énergétique notamment ?

    La biomasse qui a des applications recyclables à bien plus hautes valeurs ajoutées, n’a-t-elle pas meilleure utilisation que sous forme « combustible » dans des réacteurs d’avions ou des véhicules ?

    Pourquoi financer depuis des décennies un secteur qui s’ajoute à d’autres bien plus pertinents et nécessite des infrastructures additionnelles ?

    Les agrocarburants devaient être une étape de « transition », ça n’est rien d’autre qu’un lobby qui nous entraîne dans une impasse coûteuse et non satisfaisante, ni au plan énergétique, ni au plan environnemental.

    La France doit surtout amorcer la fin des agrocarburants !

    Répondre
    • Merci pour ce commentaire qui me donne l’occasion d’approfondir le propos.

      Pour commencer un point d’accord mutuel doit être souligné : oui, pour les solutions alternatives au fossile, il vaut mieux privilégier celles qui ne nécessitent pas d’infrastructures additionnelles. Reconnaissons à cet égard que les infrastructures existantes en matière de transport sont actuellement essentiellement de 2 types: distribution de carburants liquides pour les moteurs thermiques d’une part et distribution d’électricité par câbles pour les trains, trams, trolleys et autres véhicules à traction électrique d’autre part.

      En ce qui concerne les carburants liquides pour les moteurs thermiques, les américains ont inventé la notion de « drop-in biofuel » à savoir des biocarburants qui peuvent être assemblés à des carburants classiques sans précaution, mis en marché dans les circuits de distribution standards et utilisés dans des véhicules standards, dans le respect des normes en vigueur, sans perte de confort ni de fonctionnalité pour le conducteur, sans modification sur le véhicule ni sur le moteur.

      C’est bien là l’une des principales qualités de la technologie développée par Global Bioenergies : développer une technologie qui permet d’obtenir des carburants alternatifs et renouvelables qui fonctionnent dans les véhicules standard selon les normes standards, avec en plus l’avantage de procurer à la fois une réduction des émissions de gaz à effet de serre et une réduction des émissions de particules fines au kilomètre parcouru.

      Pourquoi ? Parce que la technologie de Global Bioenergies produit un précurseur, le bio-isobutène, dont les dérivés sont des carburants liquides de hautes qualité : haut indice d’octane, excellent comportement à froid, combustion sans particules.

      En ce qui concerne spécifiquement l’aéronautique il est nécessaire de prendre en compte en plus la dimension particulière de la sécurité. Sur ce plan, le retour d’expérience sur la dangerosité et l’extrême difficulté à maitriser les incendies de batteries ou les incendies d’hydrogène doit nous conduire à appliquer le principe de précaution avec un peu plus de circonspection lorsqu’il s’agit d’envisager l’électricité ou l’hydrogène comme vecteurs énergétiques pour l’aérien.

      Dans ce contexte, les biocarburants conformes aux critères européens et de qualité élevée sont appelés à jouer un rôle dans la durée au sein du mix énergétique qui inclura d’autres vecteurs d’énergie comme l’électricité, notamment distribuée par catainers.

      Refusons à cet égard l’amalgame entre les biocarburants qui sont appelés à jouer un rôle dans la durée et ceux qui constituent une étape de transition. La Directive adoptée par le Parlement européen a le mérite de la clarté sur ce sujet : les biocarburants produits à partir de matières premières qui présentent un fort risque de changement indirect des sols –essentiellement huile de palme- ont vocation à être éliminés d’ici à 2030, alors que les mérites des biocarburants produits à partir de matières premières à faible risque de changement indirect des sols continueront à être reconnus et soutenus au-delà de ce terme et ce en toute connaissance des conditions d’exploitation depuis le point de collecte de la matière première jusqu’au point de consommation du produit fini.

      De plus, les biocarburants dont les matières premières sont soient des résidus soit non alimentaires sont encouragés nous seulement sans limite dans le temps, mais aussi sans limite en quantité. La Suède et la Finlande peuvent être citées en exemple, qui voient des taux d’incorporation à 30% ou 50% de biocarburants, notamment sur bases de ressources forestières. J’en profite pour citer le projet collaboratif européen REWOFUEL, https://youtu.be/j-KSNuBadBE, soutenu financièrement par l’agence européenne INEA dans le cadre du programme de recherche Horizon 2020 (This project has received funding from the European Union’s Horizon 2020 research and innovationprogramme under grant agreement No 792104.This publication reflects the views only of the author, and the INEA cannot be held responsible for any use which may be made of the information contained therein).. Ce projet implique 11 partenaires scandinaves et français notamment, mais aussi néerlandais, espagnol et autrichien en vue de convertir des résidus de bois tendres en carburants de haute performance, matériaux, protéines microbiennes, minéraux pour la fertilisation et biogaz.

      A cet égard, il est juste de reconnaitre que certains composants de la biomasse, comme la lignine, les protéines ou les minéraux, méritent une valorisation ciblée. Mais pour cela il est nécessaire les séparer des composants fermentescibles, ces derniers étant utilisés pour la conversion par voie microbienne vers des dérivés bio-sourcés à usage carburant ou chimique. On peut également citer le projet Sweetwoods qui est soutenu par le Bio based Industry Joint Undertaking BBI-JU, toujours sous horizon 2020, et qui envisage par exemple, d’utiliser la lignine comme substituant à des matériaux d’origine fossile, isolants d’une part et polymères d’autre part.

      Enfin, un clin d’œil pour terminer. Autant il est juste de reconnaitre avec Energy + la validité de connaissances scientifiques comme le théorème d’Archimède, autant il est nécessaire de respecter aussi les règles de l’étymologie :
      – si l’agrochimie est la chimie des substances destinées à la culture des champs alors, les agrocarburants sont les carburants destinés à la culture des champs.
      – Si la biochimie est la chimie issue des processus biologiques se déroulant dans les organismes vivants, les biocarburants comme l’éthanol ou le bio-isobutène sont produits par des processus biologiques se déroulant au sein de levures ou de bactéries vivantes.
      C’est à cause de l’étymologie que tous les textes internationaux utilisent unanimement le terme « biofuel », terme que le journal officiel de notre République traduit tout naturellement par « biocarburant ».

      Répondre
      • Espérons que Cristal Union prenne le train avec vous :une des solutions pour diversifier le marché du sucre bien mal en point avec la fin des quotas!!!
        Traduisons dans les faits cette technologie prometteuse mais cela semble laborieux!!!

        Répondre
  • il y a en France des sucreries qui travaillent les betteraves et qui ferment il n’y aurait qu’a monter une distillerie moderne pour pereniser l’activité sans plus de pollution qu’actuellement!

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