La transition énergétique, le nouveau défi des acteurs de l’immobilier tertiaire
Par Mustapha Forci, Directeur de projet H3C Energies du groupe E’nergys
A l’heure de la mise en application du décret Eco-Energie Tertiaire, les bureaux et les commerces doivent impérativement gagner en performance et sobriété énergétique. Foncières, gestionnaires de parcs d’actifs privés et institutionnels sont en première ligne.
Accélérer la transition énergétique, tel est l’objectif du Décret Eco-Energie Tertiaire qui impose aux acteurs de l’immobilier tertiaire une réduction drastique des consommations énergétiques – 40% d’ici 2030 et 60% d’ici 2050 – dans leurs bâtiments de plus de 1 000 m2. Quelques chiffres illustrent l’importance de décarboner l’immobilier tertiaire pour tendre à l’horizon 2050 à la neutralité carbone en France.
Aujourd’hui, l’immobilier, essentiellement des bureaux et surfaces de vente représente plus d’un milliard de mètres carrés et génère un tiers des gaz à effet de serre selon Les Echos.
Et la consommation énergétique des bâtiments tertiaires baisse seulement en moyenne de 1,6% par an depuis 2010 selon l’OID ! Face au bouleversement que représente le Décret Eco-Energie Tertiaire, des objectifs élevés aux exigences de résultats, les acteurs de l’immobilier doivent se fixer une trajectoire ambitieuse d’optimisation énergétique de leurs bâtiments tertiaires, sous l’impulsion de la loi, des usagers et des investisseurs.
La question de la valeur verte du parc immobilier doit être, dès maintenant, au cœur de la réflexion et des actions des acteurs de l’immobilier tertiaire!
Collecter les « bonnes » données dans le cadre du Décret Eco Energie Tertiaire !
Au plus tard le 30 septembre 2022, les opérateurs tertiaires doivent déclarer sur la plate-forme numérique OPERAT, le détail de leur patrimoine assujetti, une consommation et une année de référence entre 2010 et 2019 et les premières consommations réelles pour 2020 et 2021. Tous les ans jusqu’en 2050, avant la fin du mois de septembre de l’année N, les consommations de l’année N-1 seront ainsi à déclarer.
Ces données sont déterminantes, elles représentent le reporting réglementaire de l’impact énergétique et feront l’objet d’un suivi au fil des années. Ce reporting devra concrétiser la trajectoire et les objectifs de réduction des consommations d’énergie d’au moins 40% d’ici 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050, des bureaux et des commerces.
Des objectifs en valeur absolue (seuil maximal de consommation) et quelques modulations peuvent également être intégrées à la démarche. De plus, une attestation numérique, de type notation, sera automatiquement produite. Celle-ci devra être affichée et communiquée.
A ce titre, les acteurs de l’immobilier tertiaire doivent mettre en place une véritable stratégie de collecte et de suivi des données énergétiques pour améliorer le pilotage énergétique, accompagner les trajectoires d’optimisation sur les systèmes techniques, l’engagement global des usagers vers la performance voire la mise en œuvre de travaux sur le bâti.
Au delà des outils digitaux de collecte automatique, les directeurs de l’immobilier tertiaire ont tout intérêt à s’appuyer sur un expert de l’efficacité énergétique, afin de bénéficier d’un accompagnement « sur mesure », gage d’une méthodologie claire, de bons processus et de garantie de résultats dans des coûts maîtrisés.
En effet, une démarche efficiente d’optimisation énergétique nécessite de « digérer » les données collectées, données énergétiques et techniques de terrain, pour déterminer les priorités et les leviers d’actions où résident le plus important potentiel d’économies d’énergie. Et cela, bien au-delà d’un schéma directeur énergétique « traditionnel » !
Aucun doute, la trajectoire Eco Energie Tertiaire est propre à chaque acteur et représente « une course de fond » pour atteindre les performances énergétiques visées et les maintenir durablement.
Il s’agit d’allier le meilleur des nouvelles technologies et du conseil pour monitorer les consommations, programmer des travaux et opter pour les actions les plus efficaces, dont en particulier la sensibilisation des usagers, pour tenir ses obligations énergétiques prévues par le décret Eco Energie Tertiaire.
Cultiver les « bons » leviers en faveur de la performance énergétique des bâtiments !
Outre affiner les connaissances sur les consommations énergétiques de leurs bâtiments, les acteurs de l’immobilier tertiaire doivent articuler, à l’aide d’un spécialiste, leur trajectoire Eco Energie Tertiaire, en plusieurs étapes clés pour exploiter les gisements d’économies d’énergie les plus pertinents. Focus sur quelques leviers prioritaires!
Des travaux d’optimisation énergétique – isolation, chauffage, régulation, éclairage, souvent en partie financés via des aides d’état, apportent des relais importants d’économies d’énergie. Ce qui fera vraiment la différence en termes d’économies, c’est le pilotage et la régulation des installations techniques, l’ajustement des réglages à la configuration et à l’usage fluctuant, que seul un spécialiste de l’efficacité énergétique peut réaliser.
L’une des voies importantes à nos yeux est d’agir sur les usages ; l’usager doit être au cœur de l’effort et de la démarche de sobriété énergétique. Dans sa trajectoire Eco Energie Tertiaire, il est capital de miser sur l’intelligence collective, tout en prenant en compte le type de public auquel on s’adresse. Un accompagnement dans ce domaine s’avère incontournable pour faire évoluer les comportements individuels, avec des actions « sur mesure » pour optimiser les usages énergétiques et réduire les consommations de plus de 20%.
Le meilleur exemple est le chauffage qui illustre le différentiel entre la température réglementaire, soit 19°, et la température de confort des usagers, souvent autour de 21°. En terme de consommation d’énergie, un degré de moins représente 7% à 15% de chauffage économisé. Outre traquer les gaspillages, il s’agit de vraiment impliquer les parties prenantes, des gestionnaires aux usagers, et de trouver les « bons » leviers pour engager chacun dans des démarches actives d’optimisation et de maîtrise des consommations.
A cela s’ajoute la nouvelle dimension apportée par la crise sanitaire, en ajoutant au décret tertiaire l’importance de la santé, du confort et du bien-être des collaborateurs, comme clés du retour au bureau.
Ces derniers ont de nouveaux besoins et de nouvelles exigences vis -à -vis de leurs entreprises – modes de travail hybrides,aménagement des espaces, gestion de flux…. auxquelles les acteurs de l’immobilier tertiaire doivent répondre. La satisfaction des besoins et usages des occupants, avec des bâtiments alliant qualité et flexibilité, nécessite un accompagnement sur la durée.
Le secteur de l’immobilier tertiaire vit une nouvelle étape de mutation et doit définir de nouveaux standards dans une logique bas carbone sous l’impulsion du Décret Eco-Energie.
Au-delà des amendes et du name and shame en cas de non-respect des obligations, la mauvaise notation «Eco Energie Tertiaire » se ressentira par une décote de sa valeur verte.
Cette dernière influence, de plus en plus, la valeur marchande de l’actif concerné, en termes de taux d’occupation et de négociation de ventes. En effet, la valeur verte des bâtiments tertiaires, caractérisée par une performance environnementale au sens large, est devenue un critère de valorisation majeur du parc et d’attractivité aux yeux des clients BtoB et des investisseurs.
En conclusion, le Décret Eco Energie Tertiaire offre l’opportunité aux acteurs de l’immobilier de développer la valeur verte de leurs biens immobiliers, à la croisée des nouveaux usages – modes de travail, espace de travail et contractualisation des baux, comme levier de performance financière et environnementale.