Le transport maritime s’engage dans la lutte contre le réchauffement climatique
En charge du fret de 90% des marchandises internationales, le secteur du transport maritime serait aujourd’hui responsable de 3% des émissions mondiales de dioxyde de carbone.
La situation pourrait même s’empirer : on estime que ces émissions polluantes pourraient atteindre les 17% d’ici 2050 si aucune mesure n’est prise pour améliorer la situation. Conscient que la lutte contre le réchauffement climatique est l’affaire de tous les acteurs économiques, le transport maritime a décidé de s’engager à réduire ses émissions de CO2 en reliant ses pratiques à l’objectif de la COP21.
Les membres de l’OMI s’accordent
Dernier secteur de l’économie mondiale à rester à l’écart de l’Accord de Paris sur le climat, le transport maritime a décidé de se joindre à l’effort international de lutte contre le réchauffement climatique.
Les 173 membres de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) se sont en effet réunis à Londres du 9 au 13 avril derniers pour la 72ème édition du Comité de la protection du milieu marin.
Ils ont profité de ce sommet pour s’accorder sur un objectif chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre : le secteur s’engage à réduire d’au moins 50% ses émissions polluantes d’ici l’horizon 2050.
À l’issue de plusieurs jours de débats, les membres de l’OMI ont décidé de mettre en place une stratégie dont l’objectif est, dans un premier temps, de réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre des navires d’ici 2030.
À cela s’ajoute un objectif sur le plus long terme : le secteur du transport maritime s’engage à diminuer de moitié ses émissions de CO2 d’ici 2050 par rapport à 2008.
Bien qu’il n’a pas été acté, l’objectif de diminuer de 70% les émissions du secteur sera cependant poursuivi dans l’optique, à terme, de décarboner totalement le transport maritime.
« Cet accord fournit le signal attendu pour que le secteur maritime joue enfin pleinement son rôle dans l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris. C’est un signal positif pour l’ensemble des autres secteurs. D’ici une quinzaine d’années tous les nouveaux navires devront être zéro émissions ou presque, ce qui marque une vraie rupture », s’est félicité le ministre français de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot.
Des débats compliqués
La délégation du Parlement européen à l’OMI a appelé, dès l’ouverture des débats, à l’adoption d’un « objectif de réduction des émissions de 70% d’ici 2050 ». 44 pays (dont la France, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) militaient pour un objectif encore plus ambitieux : la neutralité carbone du secteur du transport maritime d’ici 2050.
Mais les négociations ont été difficiles et l’incertitude a plané jusqu’au dernier jour.
L’Arabie Saoudite et les États-Unis ont notamment tenté de bloquer les discussions avant de finalement exprimer des « réserves » sur le texte, sans en empêcher l’adoption.
« Je doute qu’il y ait beaucoup de pays qui aient un plus grand intérêt économique dans ce débat que le nôtre, étant donné l’importance du transport maritime dans notre PIB et notre dépendance presque totale à l’égard du secteur. Je parle donc avec une crédibilité considérable quand je dis que l’argument présenté par certains pays en développement qui craignent que l’action climatique ait un impact négatif sur la navigation et le commerce est complètement faux », a notamment plaidé David Paul, ministre de l’Environnement des îles Marshall.
De la nécessité d’un changement technologique
Le transport maritime va donc devoir s’engager sur la voie de changements technologiques majeurs.
L’objectif de 50% de réduction des émissions polluantes est en effet impossible à atteindre en conservant les navires au fioul actuels : la majorité des navires de commerce naviguent en effet au fioul lourd, une ressource énergétique fortement polluante qui émet des quantités de souffre 3.500 fois supérieures au gazole consommé par les voitures à motorisation thermique.
« Même avec le niveau d’ambition le plus bas possible, l’industrie du transport maritime devra mettre en place des changements technologiques rapides pour produire des navires à zéro émission, passant des combustibles fossiles à une combinaison d’électricité, de combustibles renouvelables dérivés de l’hydrogène et potentiellement de bioénergie », explique Tristan Smith, spécialiste de l’énergie et des transports maritimes à l’UCL Energy Institute de Londres.
Selon un récent rapport de l’OCDE, décarboner le secteur du transport maritime serait en effet envisageable dès l’horizon 2035 grâce aux énergies renouvelables et aux biocarburants.
Il s’agira également d’améliorer leur efficacité énergétique et de réduire leur vitesse de croisière.
Réduire la vitesse des navires par deux permettrait de consommer jusqu’à 5 fois moins d’énergie.
Reste que l’OMI doit favoriser rapidement l’introduction de mesures concrètes pour réduire considérablement et rapidement les émissions du secteur à court terme. « Sans cela, les objectifs de l’Accord de Paris resteront hors de portée », avertit John Maggs, président de l’ONG Clean Shipping Coalition.