Trou d’air dans la rénovation énergétique
Deux rapports, publiés respectivement par la Cour des comptes et le bureau d’étude Pouget Consultants, ont mis en exergue l’inefficacité des travaux d’isolation thermique malgré le déploiement d’importantes aides publiques à la rénovation énergétique. La faute à une mise en œuvre qui, trop souvent, néglige l’étanchéité à l’air et le traitement des ponts thermiques.
Les passoires thermiques (étiquettes énergétiques F et G) n’ont pas fini de refroidir le Gouvernement. Actuellement, pas moins de 5,6 millions de ménages rencontrent des difficultés pour se chauffer – la faute à la vétusté de leurs logements et à leur mauvaise isolation. Sans compter le contexte de flambée des prix de l’énergie. En 2021, 20 % des Français ont souffert du froid et parmi eux, 40% en raison d’une isolation déficiente, selon les conclusions du dernier baromètre du Médiateur national de l’énergie.
Massification et plan de relance
Pour remédier au problème, les Gouvernements successifs ont lancé d’importantes politiques publiques d’incitation à la rénovation énergétique, à travers différents dispositifs d’aides. Les plus connus étant les Certificats à économie d’énergie (CEE) et MaPrimeRénov’. Cette dernière a d’ailleurs été mise sous stéroïdes dans le cadre du Plan de relance et dotée de 2Mds€.
Le programme ambitionne de rénover pas moins de 500 000 logements par an. Dans sa dernière mouture, le dispositif s’est même ouvert à la quasi-totalité des propriétaires, quel que soit le niveau de revenus.
Au total, 574 000 dossiers ont été déposés et 300 000 financés en un an, pour un montant de primes de 862 M€. « Le programme MaPrimeRénov’ répond bien aux objectifs de massification de la rénovation énergétique et son déploiement peut être considéré comme réussi », saluait la Cour des comptes dans un audit flash, publié le 30 septembre 2021.
Un premier rapport…
Cette même cour des Comptes explique cependant dans son document que « si l’objectif de massification est très perceptible, la vérification de la qualité et de l’efficacité des travaux en matière de lutte contre les passoires thermiques et la précarité énergétique n’est pas assurée. » Selon elle, le débat entre défenseurs de la massification et ceux prônant une approche plus exigeante sur les gains d’énergie « devra trouver une réponse publique équilibrée ».
En l’état, selon le rapport, MaPrimeRénov répond à des travaux simples et uniques (changement de système de chauffage ou isolation de fenêtres), mais ne favorise pas les bouquets de travaux, plus efficaces pour éliminer les passoires thermiques.
…qui confirme les dires d’un second
Déjà, en juillet 2021, le cabinet Pouget Consultants, dans un rapport remis à la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), pointait l’inefficacité de certains travaux. Du fait notamment des ponts thermiques et d’une mauvaise étanchéité à l’air, particulièrement dommageables pour les performances thermiques d’un bâtiment.
Ce constat concerne largement les isolants minéraux type laine de verre, qui représentent les deux-tiers du marché. Très sensibles à l’air, leur mise en œuvre nécessite une attention toute particulière.
« Au-delà des niveaux énergétiques, l’impact d’autres critères, tels que la perméabilité à l’air, le traitement des ponts thermiques structurels et de liaisons, est analysé. En effet, ces critères ont un impact sur la performance d’isolant in fine à mettre en œuvre », note le rapport. Dans la pire des configurations, un isolant fibreux sans protection de part et d’autre peut entraîner jusqu’à 50% de déperditions. Ce qui compromet, de fait, l’amélioration du confort des logements. Et, dans ces conditions, difficile également de coller aux ambitions de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) que s’est fixé le Gouvernement.
Comment inverser la tendance ? Via une révision des fiches d’opérations standardisées. Le rapport suggère d’augmenter les exigences énergétiques minimales et de prendre en compte le traitement des ponts thermiques intégrés et de liaison, ainsi que le traitement de l’étanchéité à l’air. Mais l’affaire n’est pas simple.
Levée de bouclier
Alors que ce sont clairement les isolants fibreux qui sont ici concernés, le rapport conclut sur une préconisation pour le moins surprenante : augmenter les performances thermiques des isolants et ce, de manière indifférenciée.
Problème : augmenter la résistance thermique de la laine de verre, par exemple, reviendrait à augmenter son épaisseur, et donc la production d’un produit énergivore. Pourtant il s’agit bien de la problématique de l’étanchéité à l’air du produit qui, ici, pose question, plus que sa résistance thermique.
Accompagner systématiquement la laine de verre d’un pare-vapeur et d’un pare-pluie, ce qui est la règle dans de très nombreux pays d’Europe, pourrait être une option simple à envisager. Ce n’est pourtant pas le cas.
Le cabinet justifie comme suit : « La majorité des représentants interrogés dans le cadre de cette étude sont fortement opposés à toute obligation de traitement de l’étanchéité à travers une exigence de moyens ». La précarité énergétique a encore de beaux jours devant elle…
A moins que le ministère de la Transition Énergétique se saisisse du sujet et profite du lancement de la 5ème période des CEE pour imposer la pose du pare vapeur et d’un écran de sous toiture lors de la mise en œuvre d’un isolant fibreux.