Valerian ou l’empire des mille planètes (tribune)
Tandis qu’un film de Luc Besson basé sur une bande dessinée (Valerian) sort sur les écrans, est reprise, comme chaque année, l’annonce qu’à partir de cette date (en l’occurrence le 2 Aout ) « l’humanité vit à crédit » c’est-à-dire qu’elle a consommé en sept mois toutes les ressources que la Terre peut produire au cours d’une année ! Cette habitude de culpabiliser les vacanciers est désormais bien ancrée dans la politique de communication et elle permet des envolées lyriques sur la nécessité de changer : « au rythme où nous vivons, il faudrait presque une planète de plus pour satisfaire nos besoins. » Ce film tombe donc bien, avec mille, cela suffira !
À la lecture de tous ces articles, je continue à penser que nous avons dès aujourd’hui deux planètes, celle de ces commentateurs de catastrophes et celle des réalités, moi j’ai pris l’habitude de vivre dans la seconde. En refusant de partager la religion des peurs, suis-je pour autant de « ceux qui osent prétendre que nous n’y pouvons rien », je ne le pense pas ! Dans mon enfance aussi on essayait de me dire que sans l’Evangile je ne pouvais pas avoir de valeurs. Arrêtons donc ces anathèmes permanents où questionner, interroger, douter devient un blasphème, j’ai le droit de penser autrement et les récents commentaires sur la deuxième planète m’en donnent l’occasion.
Dans son article « préférer le sursaut au sursis », le Ministre de la transition écologique nous fait de nouveau la démonstration de sa foi et de son espoir que les transformations « vertueuses » du monde sont en gestation. Ce n’est pas l’objectif qui est en cause, une planète où il fait bon vivre, mais le diagnostic et l’efficacité des mesures à prendre.
Dire que « jamais les prix des énergies renouvelables n’ont été aussi bas » n’a pas plus de sens
Des affirmations péremptoires ne remplacent pas des travaux de recherche scientifiques, c’est-à-dire où les liens de causalité ont été vérifiés par la multiplication des expériences. Entre l’augmentation de la population mondiale et le « mauvais comportement de l’humanité », quelle est la cause des catastrophes annoncées ? Peut-on tirer argument d’un « récent rapport qui indique que sans action pour limiter le réchauffement de la planète, nous pourrions connaitre des pics de chaleur à plus de 50 degrés d’ici à la fin du siècle en France » ? En communication oui, du point de vue scientifique sûrement non. Dire que « jamais les prix des énergies renouvelables n’ont été aussi bas » n’a pas plus de sens, cela dépend où et quand. Dire aussi que « l’agroécologie est une solution avérée qui pourrait nourrir la planète » mériterait quelques précautions. Enfin ce combat pour « sortir des énergies fossiles » en passe d’être gagné parce que « les constructeurs automobiles s’apprêtent à tripler l’offre de véhicules automobiles d’ici à 2020 » prête à sourire, la planète ne se résume pas aux centres de Paris et de Londres, et nous ne verrons ni les uns ni les autres la fin des hydrocarbures.
Reprenons donc les problèmes les uns après les autres.
L’évolution démographique de notre planète et la consommation effrénée de certains des pays les plus développés nécessitent une prise de conscience mondiale des dangers que ceci nous fait courir. Parmi ces dangers celui que nous vivons le plus est celui des grandes migrations en préparation si nous ne prêtons pas une réelle assistance aux endroits les plus faibles économiquement qui sont aussi ceux de la démographie galopante. Le mélange de pauvreté, de guerres, de dictatures sanguinaires, de désespoirs accumulés conduit à un grave déséquilibre mondial qui restreint de plus en plus depuis trente ans les contrées calmes du globe. Ce n’est pas l’évolution du climat qui produit ces crises, ce sont les hommes qui ont de plus en plus de mal à vivre et prospérer ensemble. Les essais pour trouver une entente et la définition d’un avenir commun se heurtent malgré l’existence de l’Organisation des Nations Unies à la disparité des situations culturelles, économiques, politiques…
Un problème d’utopies
La première utopie sur laquelle certains engagent notre pays est de penser que le monde a les yeux rivés sur notre modèle social, économique… et que donner l’exemple va conduire le monde entier vers le bien que nous avons défini. On reconnaitra là la philosophie de la plupart de nos politiques nationaux au cours des dernières années. C’est scientifiquement absurde et on revient aux propos du prince de l’écologie, le Professeur René Dubos « Think globally, act locally » au symposium fondateur de Stockholm en 1978. La planète ne se résume pas à Paris, même s’il est utile et formateur de traiter les gaspillages, de faire des économies d’énergie, de penser « développement durable, de faire des efforts dans les énergies renouvelables, de travailler sur le rendement des stockages électriques, bref toute la politique qui est engagée dans nos pays développés depuis 1978 va dans le bon sens et mérite une accélération pour que l’on continue à vivre correctement dans NOTRE pays, sur NOTRE continent et dans la mesure où nos politiques européennes peuvent converger, cela ira dans le sens d’un progrès pour notre part de la planète. Il est clair que la politique très individualiste du premier pays du monde les USA et ses mauvaises habitudes sont une préoccupation mondiale et il parait difficile de contraindre à se transformer une population qui se considère au centre du monde.
La deuxième utopie provient, à mon sens, d’une mauvaise digestion collective des résultats de la science et de la technique, en disant cela je fais une analogie avec les régimes alimentaires sources d’inspiration inépuisables dans nos sociétés occidentales. A chaque fois qu’un rapport de chercheurs semble vérifier une intuition ou un dogme, il est utilisé à tort et à travers comme une vérité révélée ! Nous sommes bien loin des connaissances qui nous permettraient de régenter le monde et de décider comment chacun doit vivre, dormir, se nourrir, disposer de son énergie. Revenons à un peu plus d’humilité, même si nos progrès techniques sont incontestables ! Que savons-nous vraiment de l’homme, du fonctionnement de son cerveau ? On tâtonne, et cela risque de durer avec une humanité à sept milliards ! Par exemple également je ne sais pas ce qu’est « l’agroécologie « et je ne sais pas si elle peut nourrir l’humanité !
La troisième utopie est celle de l’idée que ce qui est bon pour l’homme de demain est le circuit court, l’économie circulaire, l’énergie individuelle, que ce sont des choix de société essentiels qui sont les « bons ». Je n’en sais rien ! Si je veux de l’électricité tout le temps, j’ai besoin de réseaux, mais cela pourrait être plus simple effectivement d’avoir mon propre générateur. J’aimerais bien prendre mes pommes de terre chez mon voisin agriculteur, mais si j’ai envie d’acheter des aubergines, chez moi en Bretagne je vais faire appel à un réseau. J’aime bien rester chez moi, mais le train et l’avion me permettent d’aller plus loin, ce sont encore des réseaux ! Ces réseaux sont financés collectivement et sont désormais mondiaux. On comprend bien, comme le dit le professeur Dubos, qu’il faut agir localement, mais le monde est là avec ses réseaux et c’est à travers le monde que l’on conçoit désormais la vie. Il y a donc coexistence entre circuits courts de l’utopie et circuits longs de la réalité.
Besoin de toutes les énergies
Je souhaite donc revenir une fois de plus sur les réalités énergétiques, nous allons avoir besoin de toutes les sources d’énergie pour satisfaire les demandes multiples qui varient selon les réalités régionales et locales. Pour l’instant si l’on centre le débat sur un paramètre, les gaz à effet de serre, il faut se concentrer sur le nucléaire et les énergies renouvelables. Mais si l’on veut bien admettre que la sureté nucléaire a un cout, de même que le caractère intermittent du soleil et du vent, le recours aux énergies fossiles est obligatoire. Pour permettre à tous les pays de disposer d’un service universel, c’est-à-dire continu dans le temps et l’espace, ce sont toutes les sources d’énergie qui vont être utilisées, et peut-être de nouvelles avec les hydroliennes, il faut donc progresser partout pour limiter les inconvénients de chacune des alternatives. Je reviens ainsi au charbon unanimement reconnu comme le plus polluant, il est de notre intérêt collectif de poursuivre les travaux de recherche pour que la concentration de la combustion permette avec des températures élevées de limiter les rejets, les gens qui vivent sur le charbon vont l’utiliser, il faut leur proposer des solutions meilleures . De même, je me répète certes, mais lutter contre la déforestation dans beaucoup de pays du monde c’est permettre aux ménagères d’avoir accès aux gaz butane et propane issus des raffineries de pétrole, et c’est aussi prévenir leurs maladies pulmonaires !
«Les logiques économiques et environnementales qui se rejoignent désormais « cela est possible, mais dans la réalité et pas dans l’idéologie et les raccourcis. Restons sur notre planète pour l’instant !