« Le courant continu joue un rôle central dans la création d’un avenir énergétique plus durable »
Le Monde de l’Énergie ouvre ses colonnes à Yannick Neyret, président de la Fondation Current/OS, pour évoquer avec lui le rôle que peut prendre le courant continu dans l’évolution des réseaux électriques mondiaux.
Le Monde de l’Énergie —Pouvez-nous expliquer la différence entre le courant alternatif et le courant continu ?
Yannick Neyret —Bien que leurs caractéristiques soient différentes, le courant continu et le courant alternatif sont tous deux utilisés quotidiennement pour le transport, la distribution et la consommation de l’électricité.
Ils sont généralement distincts par la direction dans laquelle le courant électrique se déplace et la façon dont il varie dans le temps.
Dans un courant alternatif (AC), les électrons changent de direction, ils alternent entre l’avant et l’arrière, on peut comparer ce phénomène à la marée de la mer. Cette alternance se produit 50 fois par seconde dans le réseau Européen. On parle de fréquence à 50 Hertz. Il est généré par des sources telles que des générateurs électriques alternatifs. Il est utilisé dans la plupart des réseaux publics et est adapté au transport sur de longues distances.
Dans un courant continu (DC), l’électricité circule dans une seule direction, de la borne positive à la borne négative. On peut comparer ce phénomène à l’écoulement de l’eau dans une rivière. Il est généré par des sources telles que des piles, des batteries et des convertisseurs de courant alternatif en courant continu. L’une de ses particularités et son avantage sur le courant alternatif est que le courant continu peut être stocké dans des batteries.
Le Monde de l’Énergie —Pourquoi le courant alternatif s’est-il, historiquement, imposé ?
Yannick Neyret —Le courant alternatif s’est imposé historiquement en raison de sa facilité de transformation de tension, de sa facilité de génération, de sa compatibilité avec les moteurs électriques avec les technologies disponibles dès le XIXe siècle : l’électromécanique et l’électromagnétisme.
Le courant continu nécessite l’usage de l’électronique de puissance pour être maitrisé et transformé. Ces technologies sont apparues dans les dernières décennies du XXe siècle et sont de plus en plus abordables.
Le Monde de l’Énergie —Quels sont les usages respectifs des deux technologies aujourd’hui ?
Yannick Neyret —Le courant alternatif est principalement utilisé par les réseaux publics pour la distribution d’électricité et est à ce jour utilisé dans la plupart des bâtiments commerciaux ou résidentiels. Il est facilement transportable sur de longue distance.
Le courant continu devient, ces dernières années, de plus en plus important, en particulier avec la montée en puissance des technologies de communication et de l’information, des panneaux solaires photovoltaïques mais aussi et surtout de l’électronique portable et des véhicules électriques qui utilisent des batteries qui fournissent du courant continu.
Le Monde de l’Énergie —Depuis plusieurs années, le courant continu provoque un regain d’intérêt. Pourquoi et dans quels cas d’usage ? Quels avantages offre-t-il ?
Yannick Neyret —Nous vivons de plus en plus dans un monde en « courant continu ». La majorité des appareils fonctionnent en DC ; batteries, ordinateurs, smartphones, véhicules électriques, lumières et écrans LED, appareils ménagers, équipements médicaux, centres de données et autres, tandis que les sources d’énergie renouvelables telles que les panneaux solaires et les piles à combustible génèrent nativement du courant continu.
Le développement des énergies renouvelables, comme la mise à disposition de borne de recharge pour véhicule électrique, nécessite de transporter de plus en plus d’électricité. Cette sollicitation à l’extrême des réseaux électriques publics provoque la congestion du réseaux et limite l’accès à l’électricité.
Pour construire un avenir qui soit à la fois alimenté de manière durable et résilient sur le plan énergétique, il n’y a qu’une seule solution : produire de l’électricité renouvelable localement, là où elle est nécessaire, en fournissant une énergie fiable et stable.
Comme les énergies à faible teneur en carbone produisent intrinsèquement du courant continu à basse tension et que la majorité des appareils électroniques sont alimentés en DC, ces réseaux électriques locaux devraient naturellement fonctionner en DC.
La baisse des couts des composants d’électronique de puissance permettent aux industriels de développer de nouvelles solutions de contrôle et gestion de l’énergie, ouvrant de nouvelles perspectives comparées aux solution traditionnelles à base d’électromécanique et d’électromagnétisme.
Cependant, si le courant continu basse tension (DC) est largement déployé dans une variété d’appareils, l’intégration dans les réseaux DC est récente et nécessite encore l’établissement de normes communes pour garantir une consommation intelligente, la compatibilité des produits, la sécurité et la facilité d’installation.
Le Monde de l’Énergie —Pourquoi disposer d’une norme unique pour le courant continu est nécessaire ? Quels sont les développements en cours en Europe aujourd’hui ?
Yannick Neyret —Les sources d’énergie en courant continu et les appareils consommant du courant continu ne sont pas intégrés dans les réseaux. Il n’existe actuellement aucune norme officielle en matière de courant continu, car les réseaux électriques existants ont toujours été construits autour d’une infrastructure en courant alternatif.
A titre d’illustration, à la simple vue d’une prise de courant au mur, tout le monde se dit voici une prise 230V (parfois 230V 50Hz). Rien de tel n’existe en courant continu, la prise de courant reste à dessiner, la tension qu’elle délivre reste à définir.
En 2021, avec les plus grands fabricants industriels et acteurs de l’énergie dont la conviction qu’un standard pour le courant continu est l’avenir, nous avons créé la fondation à but non lucratif Current/OS.
Pour répondre à l’explosion de la demande électrique et au défi de la transition énergétique, Current/OS étudie le comportement des réseaux en courant continu et leur interaction avec le réseau principal afin d’élaborer une norme DC pour la construction de bâtiments et d’infrastructures DC.
La mission de Current/OS est de fournir à chacun un accès continu à l’électricité. Nos installations bénéficient d’une alimentation ininterrompue puisqu’elles sont autonomes ; elles constituent donc une solution fiable, stable et sans interruption. Elles permettent de fournir plus rapidement de l’électricité aux nouveaux bâtiments et infrastructures, même dans un contexte où l’accès à l’électricité à partir du point de livraison local du réseau principal peut être limitée ou retardée.
Nos installations ont également un impact social positif car elles soulagent le réseau public, en fournissant de l’énergie durable chaque fois que cela est possible.
Enfin, les produits et les installations développés avec Current/OS permettent d’aller plus loin dans les économies en proposant une consommation d’énergie intelligente basée sur l’état réel de la tension du réseau et ainsi de réduire la facture énergétique en ne sollicitant le réseau que quand nécessaire.
Nous sommes à un tournant crucial dans l’histoire de l’énergie, et la technologie du courant continu joue un rôle central dans la création d’un avenir énergétique plus résilient et plus durable.
À la fin de l’année 2023, plus de 40 partenaires ont adhéré à notre projet et souhaitent ouvrir la voie à une ère de progrès énergétique sans précédent pour garantir la transition énergétique tout en apportant une réelle innovation.
COMMENTAIRES
Il aurait été souhaitable qu’il soit expliqué pourquoi le réseau continue est plus efficace en terme de quantité d’électricité transportée que le courant sinusoïdal.
Serge Rochain
Beaucoup de confusions dans cet article.
Une pile à combustible n’est pas une source d’énergie renouvelable, mais un convertisseur, un moyen de produire de l’électricité avec de l’énergie chimique (hydrogène). Cela ne change rien si cet hydrogène à été produit par électrolyse à partir d’électricité renouvelable.
L’éolien, qui est une énergie « à faible teneur en carbone » ne produit pas « intrinsèquement du courant continu à basse tension ».
Tout le reste n’est que de la mythologie selon laquelle il suffirait de mettre des panneaux solaires sur le toit d’un bâtiment, complétés par une batterie, pour disposer « d’une alimentation ininterrompue [puisqu’elles sont] autonome[s] » « solution fiable, stable et sans interruption ».
De toute évidence, aucun bâtiment résidentiel, tertiaire et encore moins industriel ne peut se contenter de l’électricité provenant de panneaux PV installés sur son toit, même avec une batterie démesurée et irréaliste.
D’autre part, la prétendue économie réalisée en évitant une conversion DC/AC (onduleur) depuis les panneaux PV serait perdue en multipliant les convertisseurs dans l’autre sens, d’un réseau DC vers des appareils en courant alternatif (ou même DC/DC à différentes tensions), du simple ordinateur à la machine à laver ou au moteur électrique de l’ascenseur.
Il aurait été plus utile de parler des réseau haute tension en courant continu (HVDC) pour des lignes sous-marines ou aériennes, avec de très hautes tensions (jusqu’à 800.000 V), sur de très longues distances (plusieurs milliers de km), avec une très grande puissance (plusieurs milliers de MW). Les réalisations en aérien ont les valeurs les plus élevées.
Juste pour rire:
Utilisons un électrolyseur en courant alternatif.
Réalisé par les élèves pour « piéger » notre prof de physique/chimie il y a 60 ans.
Dans les deux éprouvettes, au lieu d’une en O2 et l’autre en H2, les deux en mélange stœchiométrique explosif.
Certes, le courant continu a des avantages. Il a un énorme défaut, on ne sait pas le produire ou le transformer à des niveaux de tension élevés. Et donc son transport nécessite des sections de conducteurs (en cuivre, dont nous allons bientôt découvrir que les ressources ne sont pas infinies – mais c’est un autre problème) bien trop élevées pour être physiquement et encore moins économiquement pertinentes. Son utilisation restera donc « locale » et la pertinence d’une unification des normes le concernant n’est pas évidente.
En effet, une liaison en courant continu avec 800.000 volts sur 2.500 km au Brésil, ou 1.100 kV sur 3.300 km en Chine, ce n’est pas très élevé et reste d’une utilisation locale.
C’est pourtant la solution la plus économique et la plus pertinente pour transporter de fortes puissances sur de longues distances.
Pour les élévations de tension, la technologie a beaucoup progressé et les pertes de transformation CA-CC-CA (AC-DC-AC) sont très faibles.
En 2000, les réserves de cuivre étaient estimées à 340 millions de tonnes et la production minière a été de 12,9 Mt.
En 2023, les réserves de cuivre étaient estimées à 1.000 Mt et la production minière a été de 22,0 Mt, production à laquelle s’est ajouté le recyclage pour aboutir à 27 Mt de cuivre raffiné.
Pour les réseaux électriques, on peu aussi remplacer le cuivre par l’aluminium. La ressource ne manque pas.
En 2023, la production d’aluminium a été de 140 millions de tonnes, à partir de 400 Mt de bauxite. Les réserves de bauxite sont évaluées à 30.000 millions de tonnes.
Enfin un message de clarification sur le courant continu, ses manques actuels mais surtout ses prospectives. Une vision pour demain au delà de certains clivages et positionnement idéologique qui pose les vraie questions et surtout identifient les manques actuelles (Normes, compétences, formation, etc..); De quoi bâtir une feuille de route