Loi Nome : qu’est-ce que ça va changer

Imposée par Bruxelles, la réforme du marché de l’électricité constitue une ultime étape dans le processus de libéralisation. Le texte a été voté à la mi-juin par l’Assemblée nationale. Il est maintenant examiné par le Sénat.

Présenté comme la réforme la plus importante dans le secteur depuis 1946, le projet de loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité (Nome) reprend en grande partie les conclusions du rapport de la Commission Champsaur. Le texte a été adopté en commission des affaires économiques mais il est loin de rassembler, ses détracteurs dénonçant des conséquences financières pour les particuliers avec des hausses de tarifs évaluées entre 7 et 11%, selon les projections de la Commission de la régulation de l’Energie (CRE).

 
Il reste que depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité exigée par Bruxelles, aucun concurrent d’EDF n’a pu s’imposer. Et pour cause  : avec son parc nucléaire, l’électricien tricolore bénéficie de faibles coûts de production. La loi NOME doit l’obliger à céder une partie de sa production nucléaire -jusqu’à un quart -à ses concurrents à un prix inférieur à celui du marché, mais auquel ? C’est l’une des questions épineuses de la réforme.

 
Avec cette loi, la France espère établir une libre concurrence entre tous les acteurs du marché français et doit mettre un terme au Tartam ( Tarif Réglementé Transitoire d’Ajustement du Marché ).

 
La réforme reste très attendue par Bruxelles alors que Paris a pris du retard dans son calendrier par rapport à ses engagements européens.

 

Aux origines du texte, les recommandations de la Commission Champsaur

Cette commission tient son nom de celui son président Paul Champsaur

 
AFP

Polytechnicien (promo 1963), Paul Champsaur (photo) est un homme de statistiques et du service public (INSEE, ARCEP). En 2008, il est mandaté par Jean-Louis Borloo, ministre de l’Energie et Christine Lagarde, ministre de l’économie et de l’industrie pour former un groupe de travail sur la libéralisation des marchés de l’énergie en France qui va déboucher sur création de la Commission Champsaur.

 
-La commission Champsaur préconise un accès à l’électricité nucléaire d’EDF au coût de revient pour tous les fournisseurs.

 
-Elle s’oriente vers la suppression des tarifs réglementés pour les gros industriels (tarifs jaune et vert) et leur maintien pour les particuliers et les petites entreprises.

 
Pour certains observateurs, les recommandations de la Commission ne suivent pas l’esprit de l’ouverture européenne des marchés à la concurrence, et laissent ouverte la question du caractère artificiel de cette concurrence.

 

Consulter le rapport Champsaur.pdf

Jean-Claude Lenoir, député UMP de l’Orne, ancien médiateur de l’énergie

 
François Brottes, député PS de l’Isère, co-président du groupe Energies à l’Assemblee nationale.

 
Ladislas Poniatowski, sénateur UMP de l’Eure, spécialiste des questions énergétiques.

 
Jean-Marc Pastor, sénateur PS du Tarn, membre du groupe d’étude sur l’énergie au Sénat.

 
Jean Bergougnoux, président d’honneur de la SNCF (24 ans chez EDF)

 
Martin Hellwig, économiste allemand

 
Daniel Labetoulle, conseiller d’état

 
Jacques Percebois, économiste spécialisé dans l’énergie et directeur du CREDEN.

 

Repères chronologiques : de Bruxelles à l’Assemblée

Mi-septembre 2009  : Paris fait un pas vers Bruxelles

 
Un accord est attendu entre Paris et la Commission européenne au sujet de l’organisation du marché français de l’électricité. Le gouvernement accepterait de faire voter une loi qui appliquerait les conclusions du rapport Champsaur, censées introduire davantage de concurrence tout en préservant l’intérêt des consommateurs. Cette loi prévoirait en particulier de mettre fin en 2015 aux tarifs réglementés pour les grandes et moyennes entreprises. En échange, la Commission européenne mettrait fin aux contentieux en cours contre la France.

 

Marché de l’électricité : Paris et Bruxelles signent la paix des braves [ 15/06/2010  ]  

Octobre 2009  : EDF freine

 
L’électricien tricolore est inquiet. Alors que le gouvernement s’est engagé à faire passer une loi pour réformer le marché de l’électricité, EDF craint d’être le grand perdant de la réforme. L’opérateur redoute de devoir céder à ses concurrents la moitié de sa production nucléaire, à prix cassé. Des discussions tendues ont lieu avec les pouvoirs publics.

 

EDF craint d’être le grand perdant de la réforme de l’électricité [ 15/06/2010  ]  

Une rumeur prête un consensus sur les prix de gros atteint EDF et les producteurs alternatifs. Mais de son côté, l’Union française de l’électricité (UFE) affirme qu’aucun accord n’est « intervenu au sein de la profession sur un niveau de prix pour la cession d’énergie nucléaire par EDF à ses concurrents ». « Définir un niveau de prix ne relève d’ailleurs ni de sa compétence ni de sa responsabilité » ajoute le syndicat professionnel, qui regroupe EDF et ses concurrents. Quoi qu’il en soit, des propositions ouvrant la voie à une hausse progressive des tarifs de gros seraient alors pliées.

 
AFP

Une semaine plus tard, Henri Proglio (photo)désigné pour prendre la présidence d’EDF est auditionné par les membres de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale avant sa nomination officielle et sa positon est claire  : le futur patron combattra pied à pied le projet du gouvernement, qui amènerait l’opérateur historique à céder à prix coûtant une partie de sa production à ses concurrents. « C’est non ! Et c’est une question de survie, prévient-il. Accepter un dispositif de ce type, ce serait accepter que la boîte ne vaille plus rien. Si c’est pour faire ça, ce n’était pas la peine de me nommer… ».

 
Décembre 2009  : le calendrier dérape, le projet reporté

 
Le gouvernement prévoit maintenant de consulter les acteurs du secteur en début d’année pour transmettre un texte en février au Conseil d’Etat. Prudent, il veut présenter un projet de loi en Conseil des ministres après les élections régionales des 14 et 21 mars. Le calendrier ne sera donc pas tenu  : François Fillon s’était engagé à présenter une loi au parlement « avant la fin de l’année 2009 ». et à ne pas prolonger le tarif réglementé et transitoire d’ajustement au marché ou Tartam qui arrive à échéance le 1er juillet 2010.

 
2010  : L’ANNEE DE LA REFORME

 
Délicat sur le plan politique, ce dossier sera l’un des grands enjeux de l’année 2010.

 

Une réforme décisive du marché de l’électricité [ 15/06/2010  ]  

Janvier 2010  : EDF ne baisse pas la garde

 
Très remontée contre la réforme du marché de l’électricité dévoilée la semaine dernière, la direction d’EDF a soumis aux pouvoirs publics un projet alternatif. Elle y demande de la visibilité sur l’évolution des tarifs. Selon des projections internes, le groupe souhaite une hausse de l’ordre de 24 % entre 2010 et 2015, pour financer le mur d’investissements nécessaires dans le nucléaire. En 2010, ces derniers doivent atteindre 7,5 milliards d’euros (le groupe prévoit au total 24 milliards d’euros de dépenses pour prolonger la durée de vie de ses centrales).

 

EDF pose à nouveau la question d’une forte hausse des tarifs de l’électricité [ 15/06/2010  ]  

Le gouvernement va prolonger le Tartam. Initialement prévu pour deux ans, ce tarif qui permet aux entreprises ayant choisi la concurrence de revenir à des prix régulés avait été instauré le 30 juin 2007.  Il avait été prolongé jusqu’au 30 juin 2010. Une nouvelle prolongation parait incontournable. 

 
Février 2010  : Enel France s’alarme du retard de la réforme, les acteurs dans le flou

 
Pour Enel, le calendrier et l’avant-projet de la réforme du marché de l’électricité deviennent inquiétants. Cinq mois avant l’échéance du tarif transitoire, qui permet aux entreprises qui ont choisi le marché de revenir à des tarifs régulés, personne ne sait ce qui va se passer une fois qu’il aura disparu. C’est bientôt l’ensemble des acteurs du secteur qui réclament davantage de visibilité. Taxe carbone, certificats d’économies d’énergie, réforme… Les sujets d’interrogation se multiplient.

 
Mars 2010  : accélération du processus  ? Le projet soumis au Conseil d’Etat

 
Alors que Poweo creuse ses pertes, le président du directoire de Verbund, l’actionnaire autrichien de ce petit concurrent d’EDF, s’inquiète du retard de la loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité en France. Sans elle, il estime que Poweo ne pourra pas survivre sur le segment des particuliers. En attendant la réforme, le fournisseur alternatif décide de réduire le démarchage de nouveaux clients.

 
Pour avoir droit à une partie de l’énergie nucléaire d’EDF, ses concurrents devront « participer à l’investissement productif », selon le député Jean-Claude Lenoir. La formule de prix inclura le coût d’allongement de la durée de vie des centrales nucléaires.

 
Avec la future loi, les concurrents d’EDF auront accès à l’électricité nucléaire produite par l’électricien. Le marché de gros pourrait être sérieusement perturbé, car les gestionnaires de réseaux pourraient s’en détourner partiellement.

 
AFP

Le 25 mars, le ministre de l’Ecologie et de l’Energie, Jean-Louis Borloo (photo), indique au Sénat que le projet a été transmis au Conseil d’Etat et qu’il sera soumis au Parlement au « début du printemps ».

 
Avril 2010  : coup d’envoi à la réforme

 
14 avril La loi sur la nouvelle organisation du marché de l’électricité est présentée en Conseil des ministres.

 
Mai 2010  : désaccord sur les tarifs

 
Le débat sur réforme de l’électricité dérape sur la question épineuse des tarifs après une audition des présidents de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) et d’EDF à l’Assemblée nationale. La CRE a présenté des scénarios faisant état d’une hausse possible des tarifs résidentiels de 7,1 à 11,4 % d’ici à 2011, puis de plus de 3 % par an. Le régulateur a évoqué des mouvements comparables sur les tarifs professionnels. Aussitôt, le ministère de l’Energie dément « les rumeurs relatives aux tarifs de l’électricité », ajoutant : « le gouvernement est responsable de la détermination des tarifs réglementés et nul autre n’a autorité aujourd’hui pour établir des orientations à ce sujet. ».

 
AFP

Juin 2010 : l’ouverture du marché à la concurrence ne « prend » pas, le projet de loi à l’Assemblée

 
120.000 clients particuliers ont rejoint un concurrent d’EDF au premier trimestre 2010, soit 34 % de moins qu’au trimestre précédent, selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE). C’est un coup de frein à l’ouverture du marché français de l’électricité. Fin mars, 1,52 million de consommateurs étaient clients d’un de ces fournisseurs sur les 30 millions de clients particuliers français. La part de marché des concurrents d’EDF se limitait ainsi à 5 %.

 
Quoi qu’il en soit, le projet de loi ne fait pas que rassembler. François Brottes (photo), député PS de l’Isère, dénonce une loi qui va fragiliser l’entreprise EDF. En séance, il explique qu’il y a au moins « 10 bonnes raisons de ne pas voter cette loi ».

 
Juillet 2010  : Le texte au Sénat. Le rapporteur Ladislas Poniatowski avait prévenu qu’il entendait apporter sa patte au texte. « Ce ne sera pas le même texte » avait-il indiqué. Mercredi 7 juillet , la commission de l’Economie du Sénat vote les amendements qui seront discutés en séance entre le 27 et le 29 septembre. Le principal d’entre eux se prononce en faveur de l’ouverture du capital des centrales nucléaires françaises. Après le Sénat, au plus tôt mi-octobre, la loi ira en deuxième lecture à l’Assemblée. Le gouvernement espère la promulguer d’ici à la fin de l’année, pour une entrée en vigueur début 2011.

 

Marché français de l’électricité  : les acteurs sans poids réel au regard d’EDF

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